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d’un rose tendre ou d’un ton incarnat. Les Malgaches tirent des troncs du cratéva de larges planches qui servent à faire les contrevens des maisons. Des dombeyas de différentes sortes abondent dans les forêts de l’Ankova ; l’une d’elles, l’astrapée cannabine[1], qui se distingue par de grandes feuilles ovales et par des fleurs pendantes d’une entière blancheur, est très répandue sur le mont Angavo et en beaucoup d’autres endroits de la province d’Imerina. C’est une espèce précieuse pour les Ovas ; l’écorce fournit une matière textile qui remplace le chanvre. Aux mêmes lieux croissent plusieurs de ces curieux arbustes du genre coléa, dont on voit le plus bel échantillon dans toutes les forêts voisines de la côte, ainsi qu’une singulière plante de la famille des bignonias propre à la grande île africaine : l’arthrophylle de Madagascar, qui a des feuilles articulées au milieu du limbe[2]. Sur les flancs rocailleux du mont Antoungoun, entre les rochers poussent des arbrisseaux d’un type bien connu dans les régions tropicales de l’Asie et de l’Afrique : les érythroxylons[3]. Dans les forêts sombres de l’Angavo, surtout dans les vallons, des vaquois d’une espèce particulière, se faisant remarquer par des feuilles semblables à des rubans[4], contrastent par l’aspect avec le reste de la végétation. Tous ces arbres et ces arbrisseaux comme relégués dans quelques solitudes formaient sans doute autrefois un manteau de verdure sur le pays aujourd’hui nu et presque désolé d’Ankova. Si l’on compare la flore de cette région élevée de la Grande-Terre à celle du littoral, la différence est facile à reconnaître ; les genres de végétaux ne changent guère, mais les espèces en général ne sont pas les mêmes et les types les plus caractéristiques demeurent attachés aux parties basses, chaudes et humides.

Maintenant, malgré les lacunes dans nos connaissances, se dessine avec netteté le surprenant caractère de la flore de Madagascar. L’ensemble se compose de plantes de quelques familles et d’une longue suite de genres n’existant que sur cette terre, ensuite d’une foule d’espèces tout à fait particulières à l’île, mais de types représentés, les uns exclusivement en Afrique, les autres, — peut-être en plus grand nombre, — seulement dans l’Inde et les îles adjacentes, enfin d’espèces dont les formes génériques sont trop disséminées pour jeter beaucoup de lumière dans une question de géographie physique. Rien n’accuse donc mieux l’isolement de Madagascar que cette flore à la fois si spéciale et si caractérisée. La grande île,

  1. Astrapœa (Hilsenbergia) cannabina, décrite par Bojer.
  2. Arthrophyllum madagascariensis, de la famille des bignoniacées.
  3. Erythroxylon discolor, E, myrloïdes.
  4. Pandanus vittarifolius, décrit par Bojer,