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bouleverseront cette courte existence qu’il semble que des siècles auront dû s’écouler entre ces deux périodes si voisines.

Nous avons donné aussi complète que possible la description des choses exceptionnellement curieuses que renferme le château de Bussy : pour celles qui restent, quelques courtes mentions nous suffiront. Nous n’avons pas à insister sur la partie de la décoration de la première salle que Bussy a consacrée aux châteaux royaux de France. Comme toujours, Bussy a fait accompagner ces peintures de devises auxquelles il a joint de petits symboles souvent cherchés fort loin, et dont le sens n’est pas toujours aisé à saisir. On comprend aisément que Chambord soit représenté sous la forme d’un colimaçon, et que sa devise soit in me involvo, je me roule sur moi-même, définition ingénieuse de l’originalité de ce château, on comprend qu’Anet soit représenté par la lune dans son plein, le nom de la lune étant le même que celui de la belle Diane qui le posséda; mais qui nous dira pourquoi Sceaux est représenté par un oignon avec cette devise en mauvais italien : chi me mordera, piangera, qui me mordra en pleurera? Il n’est pas non plus facile de comprendre que le symbole des Invalides soit un oiseau perché sur un arbre et envoyant avec son chant ses adieux à la lumière disparue : piango la luce morta di mia vita. Est-ce encore une allusion aux regrets que lui causait sa carrière militaire brisée? Cela est bien probable. La chapelle offre plusieurs morceaux intéressans parmi lesquels un petit tableau sur bois représentant l’adoration des bergers, charmant de naïve bonne humeur bourguignonne. On dirait un Téniers transcrit en style bourguignon, ou encore une traduction par la peinture d’un des Noëls du Dijonnais La Monnaie. Les portraits des deux premiers évêques de Dijon, tous deux appartenant à la famille parlementaire des Bouhier, s’y trouvent aussi; mais ces portraits sont fort postérieurs à Bussy, car ce n’est qu’au dernier siècle que Dijon fut enfin détaché du diocèse de Langres et érigé en évêché. Enfin, quand nous aurons signalé un petit portrait de Mme de Coligny, la fille aînée de Bussy, que son aventure avec Larivière a rendue célèbre, un autre petit portrait du cardinal Sciarra Colonna, fils de Marie Mancini, et une jolie page de Natoire représentant une allégorie du printemps sous la forme d’une jeune fille portant des fleurs dans son sein, notre tâche aura pris fin.

Telle est dans ses plus exacts détails la décoration de ce château de Bussy, qui constitue une des pages historiques les plus complètes, les plus vivantes que le XVIIe siècle nous ait laissées. Protégée par la bonne étoile de Bussy, — car Bussy, en dépit de sa disgrâce, peut être dit favorisé du sort, puisqu’il a eu la chance de s’acquérir une immense réputation avec une spirituelle binette, —