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se rapportent les plus jolies et les plus pénétrantes de ses devises. En voici une à laquelle auraient souscrit, je crois, tous les grands peintres des phénomènes de la sensualité passionnée, Catulle, Horace, Properce, car ils ont dit plus d’une fois quelque chose d’analogue : amantium iræ, amoris redintegratio est, « querelles d’amant, recommencement d’amour. » Cette autre se rapporte assez bien à ce que Properce appelle avec force la fatigue, le dur travail d’aimer : non satis in amore, si non nimis ; « en amour, il faut qu’il y ait trop pour qu’il y ait assez. » Dans ce genre d’amour, les particularités physiques doivent jouer nécessairement un grand rôle, et nous voyons par une de ses devises que Bussy n’est pas partisan d’un trop grand embonpoint ni d’un excès d’ampleur chez les amans : Pingnis amor nimiumque potens in tædia multis vertitur ; « un objet aimé gras et trop puissant engendre le dégoût chez beaucoup. » Cette devise, passablement tournée, a le tort de présenter sous la forme générale d’une sentence une préférence tout individuelle, et il est clair que chacun a le droit de dire à Bussy : Parlez plus pour vous seul ; mais on ne fera pas le même reproche à cette dernière que je me permets de trouver jolie et que je crois d’une vérité très générale :


Et Phœbo fueris si pulchrior, omine fausto
Ni genitus, Veneris captabis prasmia nunquam.


« Et quand bien même tu serais plus beau que Phœbus, si tu n’es pas né sous une étoile heureuse, tu ne conquerras jamais les faveurs de Vénus. » Bussy, on le voit, pense sur l’amour comme Boileau sur la poésie, et au fait ces deux vers ne sont qu’une traduction des vers célèbres de l’Art poétique sur l’influence secrète du ciel, qui forme les poètes, et sans laquelle Pégase reste rétif.

La décoration de cette tour dorée, remplie jusqu’à la moindre corniche, jusqu’à la plus étroite cymaise, est, il faut l’avouer, ingénieuse au possible, car elle est comme une sorte d’encyclopédie de la science de la galanterie. En haut, dans les portraits des contemporaines, nous avons l’histoire de la galanterie ; les devises, partout semées, nous en donnent la métaphysique et la morale, et en bas nous en avons la théologie et l’histoire symbolique sous la forme de petits cadres représentant les diverses scènes des Métamorphoses d’Ovide : Europe et le taureau, Pygmalion et la statue, Danaé et la pluie d’or, etc. On conçoit que cette partie de la décoration ne peut avoir l’intérêt des portraits des belles galantes ; aussi ne nous arrêterons-nous un instant encore dans cette salle que pour y regarder un portrait de Bussy peint sur la muraille, au-dessous de ses amies et ennemies. Il est là très jeune, dix--