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des correspondans les plus fidèles de Bussy pendant sa disgrâce, ayant entendu parler de ces décorations, témoignait dans une lettre du désir de les voir et proposait au comte pour sa bibliothèque cette devise tirée de Cicéron : mens addita videtur œdibus meis (il me semble que ma maison ait pris une intelligence). Je ne sais trop si Bussy en fit usage, mais en remplaçant le mot mens par le mot malitia la devise aurait pu parfaitement convenir au château tout entier, car ce qui saute aux yeux dès l’entrée, c’est que le don de la médisance fut vraiment chez Bussy incorrigible et irrésistible. Au moment même où il est frappé, il continue sa faute sous une nouvelle forme. Ne pouvant plus écrire la suite de cette Histoire amoureuse des Gaules, qui lui vaut son exil, il la met en peintures; ces décorations ne sont autre chose qu’une continuation et une aggravation de son célèbre pamphlet. En effet, l’Histoire amoureuse des Gaules se terminait sur les amours de Bussy et de Mme de Montglas, et les décorations du château concluent l’aventure avec l’infidélité de cette dame.

Comme Bussy n’était pas une de ces natures qui sont faites pour inspirer un dévoûment plus fort que toutes les infortunes, et que d’ailleurs Mme de Montglas semble avoir été une de ces femmes qui cessent d’aimer quand cesse le plaisir ou l’intérêt, cet amour ne survécut pas à la disgrâce. Bussy s’en vengea par des épigrammes en peinture du plus amusant caractère, où l’infidélité de sa maîtresse est présentée sous toute sorte de symboles fantasquement ironiques. Pour plus de malice, il leur a donné non une place d’honneur, bien en vue, mais une place basse et infime, au-dessous des fenêtres, comme pour nous dire : Bas fut son cœur, que basse soit sa punition! Ces symboles de l’infidèle sont au nombre de quatre. D’abord nous la voyons en sirène s’élever au-dessus des eaux : allicit ut perdat, elle séduit afin de perdre, dit la devise qui l’accompagne; puis la voici en hirondelle qui vole vers les climats chauds : fugit hiemes, elle fuit les hivers, dit avec amertume le vindicatif Bussy. Le troisième symbole de l’infidèle est un arc-en-ciel avec cette devise en assez médiocre latin : minus iris quam mea, moins Iris que la mienne, ce qui veut dire que la messagère des dieux est moins fugitive que sa maîtresse. Enfin un quatrième cadre nous la montre sous la forme d’un croissant de lune entouré d’étoiles, avec la devise hœc ut illa, toutes deux sont semblables, ou, pour plus de clarté, changeante est la lune, changeante aussi ma maîtresse. Tout cela est déjà vif; mais une seule salle n’a pas suffi pour apaiser sa colère, et nous retrouvons dans la dernière chambre du château Mme de Montglas, que nous avons rencontrée dès l’entrée, en sorte que la perfide, châtiée au seuil et châtiée au