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lorsque ceux-ci eurent saisi l’autorité, travaillèrent à les renverser, puis passèrent sous l’étendard des anabaptistes quand Rothmann l’eut emporté sur les luthériens.

Les premiers promoteurs de la réforme à Munster avaient mis en mouvement les masses populaires pour dominer le gouvernement égoïste et autocratique de l’évêque et du chapitre métropolitain. Il ne s’agissait pour ces réformateurs que de substituer l’administration plus intelligente et plus ménagère d’une bourgeoisie libérale au despotisme quelque peu capricieux du prince-évèque. Ils s’imaginaient naïvement, dans l’infatuation de leur supériorité relative, que tout rentrerait dans l’ordre sitôt que les abus ecclésiastiques auraient disparu et que l’autorité serait passée entre leurs mains, comme si les masses populaires s’apaisaient aussi vite qu’on les soulève, comme si l’esprit de licence, une fois qu’on lui a laissé libre carrière, se laissait docilement renchaîner quand on a tiré de lui le service qu’on en attendait. Ceux que l’émeute porte au pouvoir sont promptement submergés par les flots qui les ont poussés ; celui qui est à la barre du navire doit en effet plutôt réagir contre l’impulsion du courant que se laisser conduire par lui. Le nouveau sénat, la nouvelle magistrature urbaine, sortis de la révolution opérée par les luthériens, n’eurent qu’une existence précaire et se sentaient incessamment menacés ; ils se trouvèrent bientôt à l’égard dus corporations dans la même situation où avaient été l’évêque et le chapitre de la cathédrale. Formant un nouveau parti conservateur, ils étaient d’autant moins armés contre les classes ouvrières qu’ils les avaient auparavant plus soutenues dans leur révolte, plus entretenues dans des espérances qu’ils ne pouvaient satisfaire. Ces classes mécontentes reçurent alors leurs chefs du parti religieux plus avancé, qui les opposa aux évangéliques, et conquit sur elles d’autant plus d’influence qu’il se prononçait pour une réforme plus radicale. Ce parti, plus hétérodoxe que les luthériens, Rothmann en fut l’âme ; car, si les révolutions ne sont jamais l’œuvre d’un seul, si elles ont toujours leur cause dans des aspirations répandues soit chez la multitude, soit chez une classe nombreuse de citoyens, dans les intérêts d’une faction entreprenante et énergique, elles ont cependant besoin pour réussir d’individualités qui les personnifient et les conduisent. Pour qu’il triomphe, il faut au peuple, même quand il s’élève contre toute autorité, un chef qui lui impose une direction et qui attende son propre succès de celui des masses qu’il pousse. Les radicaux rencontrèrent ce chef dans Rothmann, qui, comme tant d’autres démagogues, après avoir maîtrisé la multitude, finit par ne plus être que le serviteur des passions qu’il avait soulevées. Ce réformateur nous offre au XVIe siècle un type