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commencement de substitution de l’église évangélique à l’église de Rome. Le duc de Clèves averti s’alarma, et, afin d’empêcher un mouvement réformiste qui tendait à jeter ses états dans l’hérésie, il prit lui-même l’initiative de la réforme, de façon à la contenir dans les bornes de l’orthodoxie. Il arrêta, d’accord avec son conseil, un plan de réformation de l’église catholique qui ne s’appliquait qu’à la discipline, et qui avait pour objet de la purger de tous ses désordres et de la relever dans l’estime des fidèles. Une vaste enquête fut instituée sur les mœurs et les actes du clergé dans les duchés, et, pour qu’on ne pût se méprendre sur les intentions orthodoxes dont il était animé, le duc prohiba en même temps de la manière la plus expresse toute attaque contre les dogmes, toute entreprise contre les formes du culte divin. Ces mesures atteignirent surtout les zwingliens et les adeptes de l’anabaptisme. Les luthériens, qui respectaient les formes traditionnelles et dissimulaient adroitement leur hérésie sous des interprétations analogues en apparence à celles qu’à toute époque on s’était permises dans l’église, jouirent encore d’une certaine tolérance.

Entre les villes du duché de Juliers, où l’esprit novateur avait pris de plus grandes libertés, Wassenberg s’était particulièrement fait remarquer. Celui qui y exerçait les fonctions judiciaires et administratives de drossart, confiant dans le crédit que lui donnait à la cour ducale son attachement bien connu pour son prince, n’avait pas craint de s’émanciper complètement de l’autorité ecclésiastique. Tout dévoué à la réforme, il avait accueilli dans sa petite ville les représentans des doctrines les plus avancées. Là s’étaient rendus : Jean Campanus, tête ardente, mêlé dès l’origine aux luttes des luthériens contre le pape, depuis obligé de fuir de la Saxe à cause de ses opinions zwingliennes, qu’il avait déjà manifestées à la conférence de Torgau, opinions qu’il abandonna bientôt pour ne plus suivre que sa propre inspiration, niant la Trinité, admettant en Dieu un dualisme qu’il considérait comme le prototype du dualisme de la nature humaine, — Denis Vinne, de Diest, qui avait autrefois accompagné ce même Campanus à Wittenberg, — Jean KIopriss, récemment échappé des prisons de Cologne, — Henri Schiachtscaef de Tongres, longtemps errant et proscrit, — Dietrich Fabricius, — enfin Henri Roll, carme défroqué de Harlem, auteur d’un livre sur l’Eucharistie, où le rationalisme zwinglien était largement dépassé. Ces apôtres répandirent leurs doctrines dans la ville et la contrée environnante, s’installèrent en qualité de prédicateurs dans quelques églises ou se mirent à la tête de petites communions; mais une fois que l’on eut commencé à sévir dans les duchés de Clèves et de Juliers contre les novateurs, Wassenberg fut signalé comme on nid