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municipalité entretenait à sa solde, elles se précipitent hors de l’enceinte. Alors eut lieu une de ces scènes dont nos révolutions nous ont offert tant de sinistres répétitions. Une populace furieuse s’avançait à la lueur des torches, traînant avec elle des bouches à feu et des munitions, pour donner le sac à la résidence épiscopale. Nul à Telgt ne soupçonnait l’agression; chanoines de la cathédrale et gros bourgeois échappés de Münster, conseillers de l’évêque et députés des états y dormaient tranquillement. On s’en fiait à la vigilance des guetteurs, qui, fatigués au contraire de leur faction nocturne, étaient rentrés chez eux. Les Münstérois, à la pointe du jour, s’élancent vers les portes et réussissent à en abaisser les ponts-levis; en un clin d’œil, ils sont maîtres du bourg. Franz de Waldeck était heureusement parti la veille au soir pour Iburg. Quelques chanoines, réveillés en sursaut, eurent le temps de fuir de leur demeure et traversèrent demi-nus l’Ems, qui se trouvait alors gelée; mais on s’empara de la majeure partie du chapitre et des sénateurs qui étaient venus chercher un refuge près de l’évêque. La populace, ivre de joie, ramène triomphalement à Münster, fifres et tambours en tête, les prisonniers, que poursuivent des menaces de mort; elle se partage pour butin soixante beaux chevaux des écuries du prélat. Les chanoines et les sénateurs réactionnaires sont jetés dans les cachots; à tous ceux qu’on soupçonne d’être favorables à l’évêque, défense est faite de sortir de leurs maisons.

Ce succès inattendu des luthériens changea la face des choses. Le peuple de Münster dicta ses conditions. Les états du diocèse, fatigués d’une lutte qui menaçait d’être préjudiciable à tous les intérêts, et qui insistaient depuis quelques semaines pour une transaction, pressèrent le prélat de souscrire aux exigences de la ville. Le landgrave intervint, et exerça sur les négociations une influence considérable. Un traité de paix fut signé, après un débat assez prolongé, entre la ville et l’évêque le 14 février 1533. Il reçut la garantie des principaux seigneurs de la province. Par ce traité, l’exercice de la religion évangélique était formellement reconnu dans Münster. Toutes les paroisses y étaient affectées, moins la cathédrale, qui restait sous le gouvernement du chapitre. En retour, le clergé catholique ne devait pas être inquiété. Si le catholicisme avait succombé, la liberté de conscience ne pouvait cependant s’enorgueillir de cet avantage : il appartenait au luthéranisme seul, et le traité n’appelait pas à en jouir les autres communions protestantes. La noblesse westphalienne et la bourgeoisie münstéroise avaient réglé les conditions de la paix de façon à n’en attribuer le bénéfice qu’aux seuls adhérens de la ligue de Schmalkalde et à respecter le droit de souveraineté, dont les chefs de cette