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donnait à craindre qu’on n’en fut réduit aux dernières extrémités. Dès le 14 octobre, les corporations avaient exigé qu’on exclût du sénat ceux des membres qui opinaient pour qu’on se rendît. Le peuple souffrait d’ailleurs moins de la disette que les classes aisées, car, la place n’étant que fort imparfaitement investie par suite de l’insuffisance de l’armée épiscopale, il n’y avait pas de jour qu’il ne tentât au dehors, ici ou là, une expédition de maraude dont il rapportait des approvisionnemens ou du combustible. Entre ceux qui se prononçaient avec le plus de véhémence pour la défense à outrance étalent Knipperdollinck et un autre énergumène, Kibbenbroick. « Mieux vaut, s’écriaient-ils, dévorer nos propres enfans que de nous soumettre. »

La terreur régnait parmi les catholiques, qui n’osaient plus venir entendre la messe ou présenter leurs nouveau-nés au baptême dans la cathédrale, seule église où se célébrât encore leur culte. Le chapitre, qui y maintenait son autorité, était réduit, par la fuite de la plupart de ses membres, à quelques chanoines en proie à la plus vive anxiété. Le sénat engageait lui-même les catholiques à s’abstenir de toute démonstration religieuse extérieure. Son action était paralysée, et les négociations qu’il tenait encore ouvertes avec l’évêque et les états du diocèse restaient toujours au même point. Plusieurs mois s’écoulèrent : on arriva ainsi à la fin de décembre. Franz de Waldeck s’était avancé jusqu’à Telgt, bourg distant de Münster de deux lieues seulement. De là, il avait adressé une nouvelle sommation au sénat. Celui-ci se montrait disposé à accepter un arbitrage. On s’entendait pour remettre le règlement de la querelle à deux personnes, l’une désignée par l’évêque, l’autre par la ville. Déjà Franz avait fait choix, de son côté, de l’archevêque de Cologne. Tout donnait donc à espérer qu’on allait enfin s’entendre; mais cela ne faisait pas l’affaire du parti avancé, qui visait à renverser l’autorité spirituelle de l’évêque et assurer l’introduction de la réforme. Il résolut de frapper un grand coup, afin de rendre impossible toute transaction. Avertis que le comte de Waldeck n’avait autour de lui à Telgt qu’un petit nombre d’hommes, les meneurs formèrent le projet de s’emparer par surprise du bourg, tandis que le trompette qui avait apporté la dernière dépêche épiscopale attendait encore dans Münster la réponse. Tout à coup les portes de la ville sont fermées, les chefs du mouvement veulent empêcher que quelque habitant n’aille donner l’éveil à Telgt; ils convoquent au Rathhaus tous leurs adhérens, et là on décide une expédition. On fait prévenir de maison en maison les bourgeois de prendre les armes et de se tenir prêts. A minuit, le beffroi sonne, des bandes armées descendent dans la rue, et, appuyées des 300 lansquenets que la