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le clergé et les choses saintes. Les événemens de l’extérieur ne faisaient qu’accroître la hardiesse du parti du désordre. L’empereur venait, par la paix de Nuremberg, de reconnaître l’existence des états protestans qui étaient entrés dans la ligue de Schmalkalde. L’attention du gouvernement impérial se détournait de la question religieuse pour ne plus s’occuper que de la guerre contre les Turcs. Les membres du chapitre se voyaient exposés à être chassés de Münster à la première occasion. La ruine de l’église catholique était inévitable dans cette ville, si le diocèse demeurait plus longtemps sans chef. Les chanoines se hâtèrent donc d’élire un successeur à Eric, et leur choix se porta sur le comte Franz de Waldeck, chargé déjà de l’administration épiscopale de Minden. Cet acte prévoyant eut d’abord d’heureux effets pour l’orthodoxie. Le sénat, ayant reçu du nouveau prélat une lettre enjoignant de rétablir partout l’ancien culte et d’éloigner les prédicans, s’en servit pour repousser la pression exercée sur lui ; mais l’arme s’émoussa promptement contre les menaces des gildes et des petits bourgeois.

Les meneurs, Knipperdollinck et les deux anciens, le boucher Moderson et le fourreur Redeker, ne cessaient d’exciter la multitude. Une assemblée fut tenue au Schohaus, à laquelle assistèrent tous les maîtres des corporations. L’un des plus chauds partisans de la réforme, Windemoller, y proposa de faire une alliance étroite avec la commune, en vue de protéger Rothmann. La motion fut votée d’enthousiasme, sans qu’on permît à aucune voix d’y contredire, et on ne s’occupa plus que d’organiser la résistance. Les anciens et les maîtres s’abouchèrent avec les membres de la commune qui partageaient leurs idées. On constitua un comité exécutif de 36 membres que l’on chargea de tout diriger. Le comité se transporta immédiatement à l’hôtel de ville pour s’entendre avec le sénat, ou plutôt pour le sommer de marcher de concert avec lui. Les commissaires luthériens insistaient sur l’injustice qu’il y aurait de refuser au peuple le droit d’entendre la parole divine et de s’instruire du véritable enseignement de Jésus-Christ. Les sénateurs objectèrent que les réformateurs n’avaient pu se mettre d’accord sur les changemens à introduire ; avant de toucher à ce qui existait, il fallait arrêter les principes à suivre. Ils proposèrent en conséquence qu’on demandât à l’évêque l’autorisation de mander aux frais de la ville deux savans théologiens auxquels on remettrait le soin d’élucider la véritable doctrine évangélique.

Les partisans de Rothmann avaient suggéré ce dernier expédient, leur intention étant de faire confier à deux docteurs imbus des idées nouvelles la rédaction du programme. Le comité accepta ce moyen terme, en mettant pour condition que le sénat prendrait