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pito ne devait pas persévérer jusqu’au bout dans ces opinions. Les anabaptistes strasbourgeois rencontrèrent un auxiliaire bien autrement résolu dans un homme qui n’avait pas la science de Capito, mais qu’animait un enthousiasme sans égal, Melchior Hofraann, qui occupe une des premières places dans l’histoire religieuse de l’Allemagne au XVIe siècle.

Rien n’avait été plus agité que la vie de cet apôtre, dont les écrits et les prédications venaient de produire un certain retentissement dans les contrées du nord. Né à Hall en Souabe, il s’était d’abord livré au commerce des fourrures ; les soins de son négoce l’avaient conduit en Livonie, où il se trouvait en 1523, quand la réforme de Luther y fut accueillie avec une faveur qui amena promptement la conversion des provinces baltiques. Il embrassa la nouvelle doctrine avec ardeur, et, une des communautés évangéliques qui se formaient alors de tous côtés dans la Courlande se trouvant sans pasteur, il en avait pris pour elle les fonctions, bien que continuant son trafic. La méditation assidue de la Bible développa chez Melchior Hofmann des idées qui l’éloignèrent graduellement du luthéranisme. Son imagination exaltée, la confiance sans bornes qu’il avait en ses propres lumières, lui firent rechercher dans l’Écriture un sens caché et transcendantal. Il se persuada que la fin du monde était proche, et il crut en reconnaître tous les signes tels qu’il les voulait voir dans les prophètes et le Nouveau-Testament. Ces hardiesses effarouchèrent les pasteurs courlandais, qui suivaient aveuglément l’école de AVittenberg. La contradiction qu’il rencontra ne fit qu’exciter sa bouillante ardeur, et sa prédication prit un caractère de plus en plus agressif et violent. Il échauffa si bien les têtes que des troubles éclatèrent là où il avait élevé la parole. On l’expulsa de la Courlande : il retourna en Livonie ; ses sermons y provoquèrent également des désordres. Quoique s’étant complètement écarté des enseignemens de Luther et de ceux de Bugenhagen, l’un des plus savans émules du grand réformateur, Hofmann gardait cependant pour eux un respect et une admiration que la voie nouvelle où il se fourvoyait n’avait point détruits. Il attachait un grand prix à leur approbation, et, voyant ses propres idées si fortement repoussées, il se rendit à Wittenberg en vue de se justifier des accusations dont il était l’objet. Luther et Bugenhagen, qui ne prirent sans doute qu’une connaissance imparfaite des opinions du téméraire prédicateur, ne lui refusèrent pas un témoignage favorable. Fort de cette approbation, Hofmann retourna dans les provinces baltiques. De nouvelles hardiesses ameutèrent contre lui les évangéliques, et il dut une seconde fois abandonner le pays. Il passa en Suède, où il fut choisi pour pasteur par la pe-