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noyait ; ce dernier supplice fut adopté en Suisse contre les sectaires dont on redoutait le retour. À Zurich, on fit périr plusieurs anabaptistes par immersion, et c’est ainsi que Mantz, l’ami de Grebel, reçut la mort en 1527. Zwingli était sans miséricorde pour les sectaires, qu’il traitait d’hypocrites et d’ambitieux, auxquels il reprochait d’être sortis de la lie du peuple, ne leur pardonnant pas d’avoir fait une opposition souvent victorieuse à ses doctrines. Disons à l’honneur du landgrave Philippe qu’il désapprouva cette répression sanguinaire et refusa de l’appliquer dans la Hesse malgré les instances de l’électeur de Saxe. Il agit à l’égard des nouveaux anabaptistes comme il l’avait fait pour les adhérens de Miiuzer et pour les paysans révoltés. Il se contenta de faire emprisonner les plus compromis, prescrivant que, pour les ramener à la vérité, on recourût à la persuasion, non aux tortures.

Cependant les excès de la répression indignèrent les honnêtes gens ; des plaintes s’élevèrent de toutes parts contre de si atroces rigueurs, et l’autorité dut se relâcher en bien des lieux de son zèle impitoyable. Le mandat impérial du 23 avril 1529 enjoignit d’user de miséricorde envers ceux qui n’étaient coupables que de s’être fait rebaptiser ; mais la peine de mort fut maintenue contre les prédicans. L’enthousiasme de ceux-ci était tel que les menaces, loin de refroidir leur ardeur, ne firent que l’exalter davantage. Les frères bravaient résolûment la mort ; ils se fortifiaient par la prière, et croyaient reconnaître dans les épreuves qu’il leur fallait traverser le baptême de sang que le Père avait annoncé à ses enfans. Hommes et femmes montaient sur le bûcher et sur l’échafaud avec une fermeté qui étonnait les bourreaux : ils entonnaient en marchant au supplice les louanges du Seigneur ; ils ne laissaient échapper aucune plainte, car en entrant dans la communauté ils avaient appris à quel sort ils s’exposaient, et le premier enseignement qu’ils y avaient reçu, c’est que le baptême est un engagement, la cène une force, la prédication une exhortation à endurer la souffrance. Un petit nombre abjura sous le coup de la terreur ; de nouvelles conversions venaient incessamment combler les vides que faisaient dans les communautés ces exécutions. Les misères et les tribulations communes resserraient l’union des fidèles. Loin de les désabuser de leurs rêves de régénération sociale, la persécution raffermissait leurs espérances. À l’instar des premiers chrétiens, chaque communauté tenait une liste exacte de ses martyrs et en colportait les noms. Ces listes étaient imprimées et circulaient de ville en ville chez les adeptes comme des encouragemens à bien mourir et des titres glorieux de la véritable église du Christ. Les âmes s’épuraient par la souffrance, et, exposées aux plus dures calamités, elles ne se