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courût qu’à des bâtons. De là le sobriquet de Stäbler (les bâtonniers) qu’on leur donna. Les autres persistaient à faire usage de l’épée ; on les surnomma les Schwertler (les épéistes). Entre ces deux camps, il était facile de prévoir qui aurait le dessus. Les bâtonniers furent excommuniés et les Schwertler demeurèrent maîtres de l’église. Les premiers allèrent fonder, sous la protection du seigneur de Kaunitz, une nouvelle communauté à Austerlitz ; mais deux années ne s’étaient pas écoulées qu’un schisme la déchirait. Il était né à propos de certaines observances que les purs repoussaient avec horreur : nouvelle séparation. Les purs se retirèrent à Auspitz et constituèrent une église à part.

Cependant, si les synodes ne réussirent pas à rétablir complètement l’unité d’organisation et de foi, ils exercèrent du moins sur les mœurs des fidèles une influence salutaire, et resserrèrent le lien qui rattachait les diverses communautés et les membres de chaque communauté entre eux, à ce point que quelques-uns adoptèrent la vie en commun et se constituèrent en une sorte de monachisme ou, si l’on veut, de phalanstère. Telle était l’organisation que Jacob Huter imposa à la communauté d’Austerlitz, lorsqu’il fut parvenu à rétablir l’union entre les frères, organisation sur laquelle se modelèrent d’autres communautés. Les mariages n’y étaient pas laissés au libre choix des époux. Ceux qu’on appelait les serviteurs de la parole réglaient les unions et désignaient les conjoints. La famille était pour ainsi dire abolie ; on enlevait les enfans à leurs mères et on les confiait à des nourrices, des mains desquelles ils ne sortaient que pour être placés à l’école, où ils étaient nourris, habillés, instruits aux frais de la communauté. Les parens n’avaient plus sur eux aucun droit ; leur surveillance était remise à celui qui prenait le titre de serviteur des nécessiteux. La vie de chaque anabaptiste était réglementée comme celle d’un moine dans son couvent. Malheur à qui se dégoûtait de cet esclavage et qui osait revendiquer sa liberté ! On lançait contre lui l’excommunicaton ; on l’expulsait de l’association sans lui rendre ses biens, dont il avait dû faire don à son entrée.

La propagande des sectaires, l’activité de leurs pasteurs ne pouvaient échapper à l’autorité allemande. Dénoncés comme des ennemis des lois et de dangereux hérétiques, les anabaptistes ne tardèrent pas à être dans l’empire l’objet de sévérités bien autres que celles qui les avaient atteints en Suisse. Une année s’était à peine écoulée depuis l’amnistie qui promettait de mettre fin aux poursuites dirigées contre les complices de l’insurrection des paysans, qu’une persécution plus cruelle sévissait contre les adeptes de la doctrine sortie de la petite communauté zurichoise. Augsbourg eut