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LE SALON DE 1872

II. — LA SCULPTURE[1]


IV

La sculpture est loin d’être populaire au temps où nous sommes. Cet art admirable, le plus ancien et le plus beau de tous, le plus vrai comme le plus simple, n’a pas le privilège d’émouvoir beaucoup l’imagination des hommes de notre époque, ou d’amuser leurs yeux, accoutumés aux colifichets d’une civilisation à la fois raffinée et bourgeoise. La peinture moderne, avec sa grande variété de sujets, d’aspects et de couleurs, a bien plus d’agrémens pour un public qui ne cherche dans les œuvres d’art qu’une distraction et un spectacle. On se presse au salon des tableaux ; il a toujours pour la foule, même la plus étrangère aux arts, l’attrait grossier d’une collection d’images coloriées étalées à la vitrine d’un marchand d’estampes ; mais le jardin où sont exposées les statues n’est guère fréquenté que par quelques groupes de promeneurs distraits et souvent plus occupés des fleurs semées, dans les plates-bandes que des marbres ou des bronzes disposés le long des allées ou au centre des carrefours. Au premier coup d’œil, es longues files de formes blanches ne réjouissent pas la vue : elles semblent dépaysées dans cette vaste halle consacrée à l’industrie moderne : on dirait les revenans d’une civilisation disparue égarés au milieu de la nôtre.

Pourtant la sculpture française ne mérite pas tant d’indifférence. Malgré le médiocre intérêt qu’elle semble inspirer au public, elle n’est pas morte encore, ni même près de mourir. Elle abonde en

  1. Voyez la Revue du 15 juin.