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sur notre pays. L’isolement aboutit à l’impuissance. La réforme, en se séparant du catholicisme, a levé le pont entre ces deux grandes fractions de la chrétienté, et depuis lors il ne s’est plus abaissé. Cherchons l’union au-dessus des dogmes qui divisent, dans un redoublement de piété, de zèle et d’activité ! Nous demandons à ne pas être proscrits de notre patrie religieuse, dont les frontières ne sauraient être marquées par une doctrine indécise elle-même ! MM. Viguié et Athanase Coquerel développèrent le même thème. « Pas de guerre civile ! » s’écria le second orateur. Ne renouvelons pas nos dissentimens intérieurs alors que le Prussien était aux portes de notre cité ! Nous avons à combattre l’athéisme et la superstition ; serrons nos rangs. Prenons l’église dans sa réalité actuelle : on ne saurait contester que notre tendance n’y ait une large place. Gardons-nous d’un doctrinarisme stérile, qui veut modeler la réalité à son image au lieu d’y prendre pied. — On retrouve naturellement dans le discours de M. Coquerel une spirituelle apologie de la diversité infinie des doctrines, qui est son thème favori.

M. Colani porta sur la déclaration proposée le scalpel d’une critique habile et impitoyable. Prenant à partie chaque article de la confession, il établit que les orthodoxes mitigés de nos jours n’ont guère plus le droit que leurs adversaires de se les approprier. « Vous vous rattachez, leur dit-il en substance, aux doctrines de la réforme ; mais nul de vous n’en porterait le glorieux et accablant fardeau. Ces doctrines formaient un système puissant et logique qui avait pour clé de voûte la doctrine de la prédestination absolue ; qu’en avez-vous fait, vous, les apologistes du libre arbitre ? Vous invoquez l’autorité souveraine des Écritures ; mais vous ne vous entendez pas sur ses limites, vous avez renoncé à l’inspiration des mots. Vous n’affirmez même plus votre dogme cardinal de la divinité du Christ dans le sens strict du concile de Nicée. Vos théories sur l’expiation ne sont pas moins flottantes. Vous nous opposez les grands faits surnaturels que supposent les fêtes chrétiennes et les miracles déroulés dans le symbole dit des apôtres. Or ces grands faits peuvent être spiritualisés et dégagés de l’enveloppe grossière du surnaturel. Il n’y a pas jusqu’à la résurrection du Christ qui ne soit susceptible de recevoir cette interprétation idéale que nous trouvons déjà dans les lettres de saint Paul. » — « Nous ne sommes divisés, dit M. Fontanès, que sur ce qui est advenu du cadavre de Jésus-Christ. » L’un et l’autre orateur concluaient en déclarant qu’une orthodoxie aussi incertaine et contradictoire n’avait le droit d’à proscrire aucune tendance, et qu’il valait bien mieux chercher l’union sur les hauteurs du sentiment religieux et de la liberté.

La réplique a été aussi vigoureuse que l’attaque. C’est encore