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légalité et de compétence s’effaçait devant une question plus hante, celle de la foi de l’église. Ce fut M. Bois qui la souleva au nom de toute la fraction évangélique en proposant une déclaration solennelle des principes de foi et de liberté qui doivent être à la base de l’église reconstituée. Cette déclaration débutait par ces mots « avec nos pères et nos martyrs dans la confession de La Rochelle, avec toutes les églises de la réformation dans leurs divers symboles, nous proclamons l’autorité souveraine des saintes Écritures en matière de foi et le salut par la foi en Jésus-Christ, fils unique de Dieu, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification. » Après avoir renoué de la sorte la tradition de la foi des pères, la déclaration établit que cette foi subsiste encore dans d’église actuelle, et qu’elle est professée tous les dimanches dans son culte. « L’église réformée de France conserve et maintient les grands faits chrétiens représentés dans ses sacremens, célébrés dans ses solennités religieuses et exprimés dans ses liturgies, notamment dans la confession des péchés, dans le symbole des apôtres et dans la liturgie de la sainte cène. » Deux contre-projets de déclaration furent tout de suite proposés à l’assemblée : l’un, émanant de la gauche radicale, ne formulait que la liberté indéfinie des opinions ; le second, signé par les représentans du centre gauche, demandait au fond la même chose, mais en insistant davantage sur la nature incomparable de la personne et de l’enseignement de Jésus-Christ, sans articuler d’ailleurs par un seul mot le caractère1 surnaturel de l’Évangile.

La question était dès l’abord largement posée ; nulle équivoque n’était possible, surtout après le commentaire que M. Bois donna de sa proposition. « Il y a entre vous et nous, dit-il aux partisans de l’Évangile purement philosophique, la distance qui sépare deux religions différentes. » La discussion fut longue et brillante. Le projet de déclaration évangélique fut battu en brèche sur tous les points. On eût dit que les orateurs de la gauche s’étaient d’avance partagé l’attaque comme une armée d’assaut bien conduite. MM. Pécaut et Jules Gaufrès firent vibrer la corde du sentiment ; ils réclamèrent avec force leur place au foyer de la famille protestante. : Celle-ci n’est pas une église idéale distincte de l’église contemporaine ; malgré toutes ses divisions, elle a la communauté des plus héroïques souvenirs, un fonds d’éducation virile et austère qui ne se trouve pas ailleurs, et une tradition glorieuse de libéralisme chrétien. A qui peut-on reprocher d’y avoir fait pénétrer la grande et douloureuse crise des esprits, qui est l’honneur et le tourment de notre époque ? Qui donc peut se vanter d’y avoir échappé ? Nous avons besoin les uns des autres pour nous-mêmes et aussi pour agir