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contemporaine ; et arrêter notre choix entre les diverses formes, de gouvernement qui se disputent le pays.


III

Nous n’irions pas jusqu’au bout de notre pensée, si nous ne disions que la pleine possession de la souveraineté nationale ne nous paraît possible qu’à la condition d’exclure tous les prétendans. Nous sommes loin de les mettre tous sur la même ligne, leurs traditions, sont inégalement estimables ; cependant chacun d’eux est un système qui exclut les autres, chacun représente la prise de possession du pays par un parti. Ce qu’il faut, c’est qu’il ne puisse jamais y avoir dans un pays de politique irrévocable, c’est qu’on puisse toujours défaire demain ce qu’on aura fait aujourd’hui. C’est ce qui exclut nécessairement le principe de l’hérédité monarchique, car c’est précisément le caractère même de ce système d’être irrévocable. Sans doute, une théorie abstraite de la monarchie parlementaire peut se représenter le monarque dans un tel état de neutralité entre les partis, qu’il puisse indifféremment les accepter tous à la coopération de sa politique ; mais, si un pareil état d’abstraction, de neutralité, peut avoir lieu dans un pays de suffrage restreint ou, dans un pays aristocratique, où le pouvoir royal, successivement amoindri, en est arrivé à n’être plus qu’un symbole et une affection populaire, pourrait-il en être de même d’un pouvoir royal créé exprès ? Et s’imagine-t-on un pays créant un tel pouvoir à la condition que ce pouvoir n’ait qu’une fonction représentative et symbolique ? . L’idéal de cette sorte de monarchie n’est-il pas le temps où l’Angleterre avait un roi fou ou idiot ? et peut-on espérer toujours cette chance d’avoir un tel roi pour représenter dans sa pureté l’idéal de neutralité et d’impersonnalité qui constituerait un roi parlementaire ? En supposant qu’un pareil état de choses fût possible, y croirait-on ? L’opinion se persuadera-t-elle qu’il puisse y avoir une volonté sans volonté, une pensée sans pensée ? S’il en était ainsi, on peut encore demander à quoi cela pourrait servir ; et si dans un temps très positif le pouvoir peut être autre chose qu’une réalité positive, accompagnée d’une responsabilité effective ? Évidemment ceux qui désirent la monarchie constitutionnelle doivent vouloir un roi qui, tout en étant inviolable, fût cependant une personne réelle et vivante, par conséquent une personne qui aurait une politique donnée, meilleure par hypothèse que celle des autres, et qui, représentant à tel moment la moyenne des opinions, serait censé la représenter éternellement, quelque désaccord qui pût