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jusqu’ici avec un remarquable bonheur malgré des résistances malencontreuses et mal inspirées, ne peut être qu’une politique passagère, déterminée d’une part par l’impérieuse nécessité, et de l’autre favorisée par une autorité personnelle qui ne peut guère se retrouver au même degré dans un autre chef de gouvernement. Nous répondrons qu’il n’est pas absolument nécessaire que cette politique soit toujours la même. Il y a deux manières en politique de trouver la moyenne entre les partis : la première est celle dont nous faisons l’essai en ce moment, et qui consiste à faire marcher d’accord les opinions les plus contraires en les réunissant par leurs points communs ; celle-là est la plus rare, la plus difficile, et peut-être n’est-elle pas généralement praticable. Il y en a une autre qui nous est enseignée par l’exemple et la pratique de tous les pays libres : c’est d’appeler successivement ou alternativement au pouvoir les différens partis, suivant la nature des questions qui se présentent à résoudre et suivant les intérêts les plus pressans. Chaque parti, à la vérité, arrive avec une politique plus ou moins étroite qu’il déclare la seule bonne, tandis que les partis opposés la déclarent détestable et disent que c’est la ruine du pays ; mais celui-ci, sans s’en effrayer, passe de l’une à l’autre, et, si vous considérez un même pays pendant une cinquantaine d’années, vous verrez que, par suite du passage alternatif au pouvoir des différens partis, il s’est produit une résultante qui est précisément la moyenne cherchée. Ainsi, soit que cette moyenne puisse être trouvée en un même temps par une transaction entre les partis, ou qu’elle se produise entre des temps différens par une sorte de devenir, dans les deux cas le pays, au lieu d’être dominé par les partis, leur commande ; au lieu de servir à leurs expériences, il s’en sert au contraire pour ses propres expériences. Voyons, dit-il, ce que vont faire nos conservateurs, et il les appelle au pouvoir ; voyons à quoi sont bons nos démocrates, et il les essaie. Cela peut être fatal, direz-vous. Je le crois bien ; mais combien plus fatale encore l’usurpation perpétuelle et irrévocable d’un seul de ces partis au détriment des autres !

Cette expérience successive ou alternative des partis est possible, dira-t-on encore, lorsqu’ils représentent des politiques différentes dans un même système de gouvernement, ici monarchique, là républicain ; mais comment faire la même expérience quanti les partis représentent précisément dès systèmes de gouvernement inconciliables, — comment passer successivement du système républicain au système monarchique ou réciproquement ? Et si monarchique il y a, comment passer d’une monarchie à une autre et faire alternativement l’essai d’un roi légitime, d’un roi citoyen ou d’un césar ?

Ici nous devons faire un pas de plus sur le terrain de la politique