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son mieux le succès de l’emprunt qui doit la délivrer, la rendre à elle-même, et, somme toute, à l’abri de cette politique, qui est fort simple parce qu’elle est le bon sens, une grande nation malade se remet, et le jour où on lui demande des sacrifices elle n’hésite pas, elle déploie toutes les ressources latentes qui sont en elle. Est-ce la république, est-ce la monarchie ? Est-ce le définitif, est-ce le provisoire ? Le pays ne s’en inquiète pas assurément, il faut le dire ; il se tient pour satisfait d’un gouvernement sensé et laborieux qui le sert dans ses intérêts ; il s’accoutume à une situation où il trouve la sécurité, et il laisse les partis se livrer à leurs compétitions bruyantes, s’agiter dans le vide en croyant disposer de l’avenir. Ce qui est certain par exemple, c’est que le pays ne veut ni de ceux qui le ramèneraient au passé, ni de ceux qui lui proposent l’agitation et la révolution en permanence. Grande leçon pour les partis, qui, pendant les vacances près de s’ouvrir, vont avoir heureusement le temps de se calmer, de méditer sur les directions de l’opinion en France ! À voir même la tournure que prennent depuis quelques jours les séances de l’assemblée, le mieux est probablement de se hâter d’entrer en vacances, ne fût-ce que pour clore au plus vite les tumultes inutiles.

C’est aujourd’hui l’illusion et la faiblesse des partis de se figurer qu’ils peuvent se populariser ou tout au moins interrompre la prescription de leurs espérances en s’agitant, en remettant sans cesse le pays en face de ce qu’il y a de précaire dans l’existence que les événemens lui ont faite. Ils ne réussissent le plus souvent qu’à compromettre leur cause, à livrer l’avenir qu’ils voudraient sauvegarder. N’est-ce point là ce qui est arrivé depuis quelques mois à la droite de l’assemblée avec ses démarches et ses préoccupations de parti ? Les hommes bien intentionnés qui se sont jetés dans cette campagne se sont trompés évidemment, ils ne se sont pas souvenus qu’en politique ce qu’il y a de plus sage, c’est de ne tenter que ce qu’on peut, et ce qu’il y a de plus dangereux, c’est de paraître vouloir ce qu’on ne peut pas faire, parce qu’alors on se donne tous les dehors d’une mauvaise humeur agitatrice et impuissante. On a eu l’air de vouloir prendre une attitude d’hostilité ou de dissidence vis-à-vis d’un gouvernement qu’on ne pouvait remplacer, et le seul résultat a été d’augmenter la confusion et l’incertitude des rapports parlementaires, de créer une sorte de tension là où il ne devrait y avoir qu’une communauté d’efforts, d’entretenir des malentendus sur lesquels M. le président de la république a été récemment appelé à s’expliquer dans le sein de la commission chargée du rapport sur la prorogation prochaine de l’assemblée. Ces explications n’étaient pas bien nécessaires. M. Thiers n’a pu que répéter une fois de plus devant la commission ce qu’il dit sans cesse et sous toutes les formes.

Que veut-on de M. le président de la république ? Se propose-t-on de lui demander des garanties conservatrices ? À qui fera-t-on croire qu’un gouvernement présidé par M. Thiers cède à des entraînemens révolu-