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pendance de son action, la pleine liberté de son territoire, il y a en quelque sorte une place vide parmi les nations. C’est là ce que nous appellerions volontiers le caractère européen de ce prodigieux emprunt, qui dans tous les cas, il ne faut pas l’oublier, resterait tout d’abord couvert sept ou huit fois par le pays lui-même, de sorte que ce concours de l’Europe, qui était en effet fort désirable, n’est plus là en définitive que pour rehausser cette opération extraordinaire, pour lui donner la signification et la valeur d’une grande affaire d’intérêt universel.

On a cru à la France parce que la France n’a pas douté d’elle-même, parce qu’on voit bien que c’est là un pays qui ne s’abandonne pas, qui a la passion de se relever, qui n’a qu’à vouloir pour faire jaillir de son propre sein de nouvelles sources de vie et de puissance. La vérité est qu’à travers tant d’épreuves assez rudes pour briser les organisations nationales les plus vigoureuses, au milieu de toutes les difficultés et de toutes les angoisses, cette malheureuse France a montré une tenue faite pour réveiller toutes les espérances. Que n’a-t-elle point eu à souffrir ! Elle a résisté à tout, elle a triomphé de l’imprévoyance des gouvernemens qui l’ont livrée à l’invasion, des passions d’anarchie qui l’ont livrée à la guerre civile, des violens et des incapables qui ont fait ce qu’ils ont pu pour épuiser ses ressources, de toutes les ambitions qui aspirent à disposer d’elle sans trop la consulter. Elle a vécu, et même depuis un an, depuis qu’on est sorti de la crise aiguë et violente, s’il y a quelque chose de frappant au monde, c’est le contraste singulier, saisissant, entre un pays tranquille, résigné, facile à conduire en définitive, et des partis qui s’excitent continuellement, qui passent leur temps à soulever des orages, à créer une sorte d’agitation artificielle et stérile. Que demande-t-il après tout, ce pays tant éprouvé ? Rien n’est plus clair assurément ; il demande qu’on ne fasse pas trop d’expériences sur lui, qu’on lui laisse la liberté de respirer et de se remettre à l’œuvre. Il n’est vraiment pas difficile, il accepte sans murmurer tous les sacrifices que les malheurs de sa situation lui imposent : il est peu porté pour l’instant à disputer sur les théories et les systèmes de gouvernement. Tout ce qu’il désire, c’est le repos, et il se charge du reste parce qu’il sent en lui-même la volonté et la force de se relever par son travail, par son industrie, par cette énergie de vitalité qu’il retrouve aussitôt qu’il peut reprendre haleine et se reconnaître. On cherche quelquefois la raison de l’autorité croissante du gouvernement actuel et de l’impuissance des partis qui tourbillonnent autour de lui. La raison est bien simple : c’est que le gouvernement, dans une inspiration de bon sens et de patriotisme, prend la situation telle qu’elle est, sans avoir la prétention de trancher ou de remuer à tout propos des problèmes qui ne sont qu’une diversion importune et irritante. Il fait de la politique pratique ; il donne à la France la paix, sans laquelle elle ne pourrait rien, la sécurité intérieure dont elle a besoin, une administration douce et régulière ; il ménage de