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XVIIIe siècle, la philologie et l’érudition classique furent délaissées, mais d’autres connaissances prirent leur place. On étudia de tous côtés avec passion les mathématiques et la géométrie. Les lettres subirent l’entraînement commun. Montesquieu commença par composer des mémoires, d’histoire naturelle, Voltaire nous fit connaître Newton, d’Alembert et Condorcet étaient de grands géomètres avant de devenir des écrivains célèbres. La littérature s’associa donc au mouvement général et y puisa des forces pour se rajeunir. Elle a cru devoir se conduire autrement de nos jours, et il ne me semble pas qu’elle s’en trouve bien. On peut affirmer aujourd’hui que c’est par ses découvertes scientifiques que notre siècle sera grand dans l’avenir. Il a déchiffré des langues inconnues et tiré du tombeau des civilisations ignorées ; il a créé des sciences nouvelles, l’histoire des mythologies et la grammaire comparée, qui, en constatant la filiation des langues, permet de saisir la parenté des peuples ; il s’est servi d’une façon plus intelligente de sciences anciennes, comme l’archéologie et l’épigraphie, qui, mieux étudiées, lui ont permis de pénétrer plus profondément dans le passé. Pourquoi notre littérature s’est-elle tenue obstinément à l’écart de ces découvertes ? Elle a longtemps affecté de les dédaigner pour se dispenser de les connaître ; elle s’est isolée du mouvement qui entraînait le monde, et en s’isolant elle s’est affaiblie. Elle a trop uniquement vécu d’elle-même, sans s’occuper de renouveler sa provision d’idées, qui tous les jours s’épuise. — Est-ce vraiment servir l’esprit français que de vouloir toujours la maintenir dans cet isolement, qui la livre sans résistance à tous ses défauts ? Ne lui rend-on pas au contraire un service signalé en essayant de l’arracher à ce vide où elle se complaît et de la réconcilier avec la science ; qui lui rendra le sérieux, la gravité, la vie ?

C’est le rôle qu’a pris en Allemagne l’enseignement public. Le jeune homme qui sort d’un gymnase ; ressemble fort peu à celui qui vient de quitter nos lycées. On a cherché surtout à développer en lui le sens critique ; on s’est plus souvent adressé à son jugement qu’à sa mémoire ; on lui a même laissé entrevoir à l’occasion quelques-uns des grands résultats de la science. Il a des jours ouverts de tous les côtés, et ses maîtres lui ont montré de loin les chemins qu’il doit plus tard parcourir, car rien ne s’achève au gymnase ; ce n’est qu’une préparation à des études plus complètes et plus approfondies. L’élève en sort avec la pensée que son éducation n’est pas finie, et il arrive à l’université très désireux de connaître ce qui lui reste à savoir. Au contraire ce qui caractérise le collège chez nous, c’est qu’il forme un tout complet. Il ne suppose pas une éducation primaire préalable ; il n’exige pas comme couronnement une instruction supérieure et scientifique. Il se suffit à lui-même, et l’élève n’a qu’à gravir successivement toute l’échelle des classes pour que son éducation soit terminée. On a tout introduit dans