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de diverses excroissances morbides. Ils introduisent une lame métallique à la base des tumeurs ou des polypes qu’ils veulent enlever, et, quand cette sorte de couteau électrique est devenu incandescent sous l’influence du courant de la pile, ils lui impriment un mouvement tel que la partie malade est séparée par cautérisation aussi nettement qu’avec un instrument tranchant. Ce procédé, qui évite l’effusion du sang et ne provoque qu’une douleur insignifiante, a donné de beaux résultats entre les mains de MM. Marshall, Middeldorpf, Sédillot et Amussat. Indépendamment de cette application, où c’est surtout la chaleur qui est utilisée, on a employé l’électricité pour détruire les tumeurs par une sorte de désorganisation chimique de leur tissu. MM. Crusell, Ciniselli et Nélaton ont fait à ce sujet des expériences décisives. Enfin MM. Pétrequin, Broca et d’autres ont proposé le même moyen pour coaguler le sang dans l’intérieur des sacs anévrysmaux. Si cette nouvelle chirurgie n’est pas encore aussi répandue qu’elle devrait l’être, c’est que le maniement des appareils électriques exige beaucoup d’habitude et de dextérité, et que les chirurgiens trouvent plus commode l’usage classique du bistouri.

On voit par ce rapide historique que l’électrothérapie est salutaire dans un grand nombre de maladies. Soit qu’on l’emploie pour modifier l’état de la nutrition, pour accélérer ou pour ralentir la circulation dans les petits vaisseaux, soit qu’on y ait recours pour calmer ou pour stimuler les nerfs, pour détendre ou pour mettre en mouvement les muscles, pour brûler ou détacher les tumeurs, l’électricité, pourvu qu’on ne la manie pas à contre-sens, est destinée à rendre de notables services à l’art de guérir. Le domaine de la thermothérapie est moins considérable ; il a cependant une certaine étendue. L’exploration de celui qui est réservé à l’usage médicinal de la lumière, à la photothérapie (s’il est permis d’employer ces néologismes), commence à peine. Il en faut dire autant de l’emploi de la pesanteur, qu’on pourrait appeler barothérapie[1]. En tout cas, il se constitue présentement, et l’avenir verra se développer de plus en plus, à côté de la thérapeutique des corps, une thérapeutique des forces, — à côté de la médecine des drogues, la médecine des énergies. Il est impossible de dire dès aujourd’hui laquelle des deux prévaudra définitivement ; on peut supposer que toutes deux sont appelées à rendre des services également précieux à l’art.

Les premiers savans qui étudièrent l’action de l’électricité galvanique sur les animaux morts, et qui les virent recouvrer le

  1. M. Paul Bert a communiqué à l’Académie des Sciences, dans les séances des 3 et 10 juillet 1872, les résultats de longues expériences qu’il a instituées concernant l’influence que les changemens de pression exercent sur les phénomènes de la vie.