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morceau de foie de taureau. Il est convenu que de terribles malheurs doivent être le partage de ceux qui manquent au serment accompli dans de telles conditions.

Des lois, une police, sont des choses dont on ne s’embarrasse guère dans la grande île africaine. La loi du seigneur suffit à tout ; le prince juge les différends qui surviennent à l’occasion de dégâts commis sur les terres ; il punît les voleurs par de fortes amendes ou par la mort. A l’égard des larrons, on peut du reste se passer de la justice souveraine ; il est parfaitement admis qu’il n’est pas plus mal de tuer un voleur qu’un scorpion ou un serpent venimeux ; en vérité, cette opinion témoigne d’un bon sentiment. Les gens soupçonnés de quelque méfait sont soumis à des épreuves semblables à celles qui étaient en usage en Europe au moyen âge : épreuves par le feu, par l’eau bouillante, par le poison ; l’analogie est surprenante. Toutes les pratiques de la vie, les réjouissances, la façon de construire les villes et les villages, la manière de faire la guerre, sont réglées par les coutumes.

Avant l’introduction des armes à feu, les Malgaches avaient pour arme principale la sagaie ; comme tous les sauvages, ils se battaient en pleine confusion, ne songeant jamais à conserver aucun ordre de combat. Dans ce beau pays de Madagascar, on se garde bien de faire une déclaration de guerre ; l’idéal est de surprendre l’ennemi à l’instant où il s’y attend le moins ; on marche la nuit, on fait de longs détours, afin de ne pas éveiller l’attention, on expédie des espions. Quand l’armée est sur le terrain, elle entoure le village en poussant des cris furieux ; si elle réussit à pénétrer dans l’intérieur, tout ce qui se trouve sur le passage est impitoyablement massacré. Le carnage accompli, on recherche les parens du chef, et on les met à mort ; c’est le moyen jugé nécessaire pour n’avoir pas à craindre les vengeances. Les vainqueurs se livrent ensuite au pillage, et emmènent les troupeaux et les esclaves. Lorsque dans un conflit engagé un des partis se reconnaît le plus faible, il envoie des ambassadeurs au chef ennemi avec quelques présens pour demander la paix. Au jour convenu, les chefs, suivis de l’armée, se rencontrent ; dans les deux camps, on tue un taureau ; de part et d’autre, un morceau du foie est envoyé, le chef le mange ostensiblement en faisant d’énergiques protestations de ne plus jamais nuire à ceux qu’il a combattus. Les armes varient un peu suivant les provinces ; les Antanosses portent, avec la grande sagaie, un paquet de dards qu’ils lancent comme des javelots ; les Mahafales, les Machicores, d’autres encore, toujours pourvus d’une grosse sagaie, sont munis en outre d’une rondache. Dans la vallée du Mangouron, une peuplade très redoutée combattait avec l’arc et les flèches.

Autrefois, de même qu’aujourd’hui, les Européens appréciaient