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sommet de longues perches. M. Ellis part de cet exemple pour constater gravement que les usages politiques et les formes de la diplomatie diffèrent beaucoup d’une nation à l’autre.

L’année suivante, le révérend William Ellis avait le plaisir de revoir la Grande-Terre. À peine se trouvait-il installé, qu’un homme se présente de la part d’un chef des environs de Tamatave, alors malade et en quête d’une bonne médecine. Pour l’étranger, c’est l’occasion d’une visite qui permettra une étude de la vie domestique actuelle des Malgaches. Le chef occupait non pas la maison belle et spacieuse qu’il habitait d’ordinaire, mais, afin d’avoir plus chaud, une pauvre hutte bâtie dans le même enclos. Au milieu de la chambre, le feu est allumé sur une plate-forme de terre soutenue par une bordure de pierres, une lumière blafarde éclaire ce réduit, et la lampe attire l’attention du visiteur. L’appareil se compose d’une baguette de fer enfoncée dans le sol et munie en haut d’une tasse contenant la mèche ; au-dessus de la flamme, un morceau de suif tenu par un crochet, en fondant s’écoule dans la tasse, — ce mode d’éclairage est parfaitement reçu dans la demeure des grands personnages. Tout cet intérieur annonce beaucoup d’indifférence pour le luxe des Européens. D’autre part, la scène dont l’étranger est témoin indique un remarquable progrès dans la civilisation des Malgaches. On apporte des lettres au chef malade couché sur une natte ; il ordonne à un aide-de-camp d’en faire la lecture, — il répondra tout de suite. Le jeune secrétaire prend dans une boîte papier, plume et encre, s’assied à terre, place le papier sur un genou, puis écrit sous la dictée de son supérieur ; il lit ensuite cette réponse à haute voix, et, l’approbation donnée, il plie la lettre et l’expédie à sa destination. Ceci se passait dans le pays où trente ans auparavant l’écriture était inconnue ; après l’expulsion des étrangers, l’instruction s’était transmise par les indigènes.

A Tamatave même, des femmes esclaves se servaient de longues cannes de bambou pour puiser de l’eau. Le marché, toujours fort sale, était approvisionné de fruits, de racines, de millet, de riz et d’autres graines, de quincaillerie indigène, de vêtemens tels que des lambas, de nattes, de paniers, de chapeaux de paille, de cotonnades européennes, — tous ces objets jetés à terre ou placés sur des tas de sable, les volailles se promenant de tous côtés, les bouchers coupant à terre la viande sur de grandes feuilles de bananier. Après avoir visité les campagnes et les forêts des environs de Tamatave et de Foulepointe, consigné d’intéressantes observations sur les habitudes du pays et sur la végétation, recueilli quelques belles plantes, M. Ellis dut partir encore une fois de Madagascar. Sous prétexte de la présence du choléra parmi les habitans de l’île Maurice, les Anglais n’avaient point eu la permission de se rendre à la