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Les habitans de Madagascar, au moins les plus éclairés, comptent à peu près à la manière des Européens. S’agit-il de faire le dénombrement d’une armée, en présence des chefs les hommes doivent défiler par un étroit passage et chacun déposer une pierre à la même place ; ensuite on compte les pierres par dizaines et par centaines. Les poids servent dans quelques circonstances, et les mesures de capacité sont employées pour le riz. Tout le commerce se fait par échanges ; à l’époque de notre ancienne colonisation, l’usage de la monnaie est absolument inconnu dans le pays ; les pièces d’or et d’argent introduites par les étrangers sont aussitôt converties en objets de parure.

Flacourt a constaté l’absence de toute religion chez les Malgaches ; cependant les Zafferamini ont une croyance en Dieu, et par la tradition ils ont conservé des idées plus ou moins défigurées du mahométisme. Sans avoir ni temples, ni autels, ils demandent à l’Être suprême des richesses, des bœufs, des esclaves. La plupart des nobles observent le jeûne à certains momens de l’année ; ils comptent des jours heureux et des jours néfastes, où ils gardent le repos le plus complet. En prenant possession d’une nouvelle maison après avoir attendu le jour favorable, ils font une cérémonie ; parens et amis étant conviés, chacun, selon son rang ou sa fortune, amène des animaux, apporte des vivres, du vin de miel, des ustensiles, et tout finit par un immense festin, accompli suivant des formes réglées. Le respect des morts est poussé loin sur la Grande-Terre. Si le défunt appartient à la classe des nobles, les funérailles se font avec pompe ; les proches parens lavent le corps, le chargent d’ornemens, le couvrent de ses plus beaux pagnes et l’enveloppent dans une belle natte. Durant la journée qui précède la mise au tombeau, parens, amis, sujets, esclaves, viennent pleurer dans la maison, des hommes frappent sur des tambours, des filles exécutent des danses graves. Ceux qui pleurent récitent les louanges du trépassé ; comme s’il était encore vivant, ils l’interpellent et lui demandent pourquoi il a voulu quitter le monde terrestre : au soir, on sacrifie des bœufs, et tous les assistans en reçoivent une portion. Le lendemain, le corps, enfermé dans un coffre fait de deux troncs évidés, est porté dans une maison du cimetière et mis en terre. Tout auprès on place des vases ou d’autres ustensiles, et, des bêtes étant immolées, on fait la part du défunt, de Dieu, du diable, qu’il est toujours bon de mettre dans ses intérêts. Pendant plusieurs jours, des esclaves se chargent de renouveler les provisions. Dans les situations difficiles, on vient réclamer le secours des esprits ; les sermens les plus solennels se font sur l’âme des ancêtres. Les autres manières de jurer sont au reste beaucoup moins nobles. Quelquefois c’est en faisant des aspersions d’eau, plus souvent en mangeant un