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marins. Le jour suivant, le gouverneur ova consentit, donner des garanties pour l’avenir ; un peu de sécurité était rendu aux commerçans.

L’attention se trouva portée sur un point de Madagascar dont les Européens ne s’étaient pas encore occupés. Les Sakalaves du nord-ouest, traqués par les Ovas, abandonnant la Grande-Terre au mois de mai 1839, se réfugièrent, au nombre de. 5,000 à 6,000, avec leur reine à Nossi-Bé. Dans la même année, un navire français vint mouiller dans les eaux de l’île qui avait autrefois causé l’admiration du lieutenant Boteler. M. Passot, capitaine d’infanterie de marine, était chargé d’une exploration de Nossi-Bé ; les chefs sakalaves et la reine Tsioumeik, redoutant encore les Ovas, demandèrent à cet officier d’informer le gouverneur de Bourbon du désir qu’ils avaient de se mettre sous la protection de la France. M. de Hell, qui dirigeait l’administration de l’île Bourbon, accueillit cette ouverture. En 1840, M. Passot revint à Nossi-Bé, et le 14 juillet il signait la convention. La reine cédait à la France tous ses droits de souveraineté sur le Bouëni[1] et les îles voisines. L’année suivante, Nossi-Bé reçut un commandant particulier et une garnison ; des habitans de Maurice et de Bourbon ne tardèrent pas à se rendre sur l’île, désormais bien défendue. L’œuvre de colonisation fut tout de suite en bonne voie.

Sur la côte orientale, depuis plusieurs années, les traitans européens subissaient une foule d’avanies ; les plus riches achetaient un peu de repos par des bassesses. Au mois de mai 1845, sans motif avoué, on publia un ordre de la reine Ranavalona frappant d’expulsion tous les étrangers qui ne se soumettraient pas à certaines exigences humiliantes. C’était un procédé simple, imaginé pour en finir avec des dettes contractées par des chefs malgaches envers les commerçans et pour saisir les propriétés. Averti par des rapports officiels, le commandant de la station française des côtes orientales d’Afrique, M. Romain-Desfossés, expédia aussitôt un de ses vaisseaux, qu’il ne tarda pas à rejoindre en rade de Tamatave ; il y trouva un navire anglais qui était venu dans le même dessein. Aux réclamations, les chefs de la côte se contentèrent de répondre que l’ordre de la reine était formel. Toutes les tentatives de M. Romain-Desfossés et du capitaine Kelly, de la marine britannique, pour faire parvenir des lettres soit à la reine, soit au gouverneur de Tamatave, furent inutiles. Les malheureux commerçans européens n’eurent plus d’autre ressource que de traîner jusqu’au bord de la mer les marchandises

  1. Province du nord-ouest de la Grande-Terre, au fond d’une baie dont il a été question précédemment.