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fragment de la chaîne, et, après l’avoir pesé dans une petite balance de cuivre, le remettait au vendeur.

L’expédition scientifique, poursuivant sa course au nord, vient explorer la baie de Mazamba, une profonde découpure irrégulière, qui ressemble d’une manière surprenante à la baie de Bombétok ; d’anciennes tombes encore respectées, sur l’îlot de Manza, attestent que le pays fut autrefois habité par des Arabes. Plus loin, c’est la baie de Narinda ; à l’entrée, vers le nord, se trouvent de petites îles qui offrent d’excellens mouillages, — la plus grande, Sancasse ou Sangadzira, est toute verdoyante ; une autre, Souhy, est une énorme roche inaccessible, haute de plus de 200 pieds. En face, la rivière de Lanza, après avoir formé une immense lagune, verse ses eaux dans la mer par un canal extrêmement étroit. L’étonnante profondeur de l’eau, l’aspect pittoresque des deux rives, rendent la scène fort curieuse. De Narinda, on découvre le pic de Matoula, qui domine les hautes montagnes d’alentour. Sur la rive orientale de la baie, les navigateurs ne se lassent de contempler les jolis makis noirs au ventre blanc[1], gambadant sur les branches d’arbres qui retombent au bord des précipices ; c’est un délicieux spectacle de voir ces mammifères pleins de grâce surgissant en l’air pour retomber sur une tige, exécutant avec une incroyable agilité des sauts effroyables.

En quittant Narinda, le capitaine Owen se porte sur un groupe d’îles volcaniques et l’inscrit sur la carte sous le nom d’îles Radama ; il atteint ensuite la pointe occidentale de Passandava, la baie la plus large et la plus profonde de la côte ouest de Madagascar. Le village de Passandava, situé à l’entrée de la baie, se compose de misérables huttes ; au temps de l’expédition anglaise, il était occupé par une petite garnison d’Ovas que le climat rendait malade. Le commandant, un major, dont le rang ne s’accusait que par un chapeau de paille et une épée à la main, gémissait de ne pouvoir se procurer un chapeau à plumes. Près du village commencent les montagnes qui entourent le pic inaccessible de Matoula, véritable chaos d’escarpemens, de brèches, de déchirures, enfin tout le désordre grandiose produit par les actions volcaniques.

On touche à Nossi-bé[2], que depuis les Français ont appris à connaître ; le lieutenant Boteler, chargé de l’exploration d’une grande partie de la baie de Passandava, se montre ravi en présence des paysages pittoresques de cette grande île. Elle offre aux yeux, dit-il, une charmante variété de vallées fertiles, de collines abruptes,

  1. Lemur catta.
  2. Nos, nosi, nossi, en langue malgache, signifient île.