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l’égard de nos droits sur la grande île africaine ; c’est en vérité beaucoup manquer de logique. Mieux que tout autre, le peuple anglais a pris pour axiome que les pays barbares appartiennent à la nation civilisée qui la première y a planté son pavillon et déclaré possession. Sous ce rapport, la France est bien en règle relativement à Madagascar ; les reproches qu’elle mérite pour d’irréparables fautes retombent sur les gouvernemens, qui écoutent toujours les intrigans et ne recherchent presque jamais les hommes utiles.

Au mois de mars 1817, le ministre de la marine et des colonies chargea les administrateurs de l’île Bourbon de reprendre possession des anciens établissemens français de la Grande-Terre, d’envoyer un agent commercial et un nombre de soldats capable de faire respecter le pavillon. Un conseiller d’état, vice-président du comité de la marine, M. Forestier, fut choisi pour rechercher, à l’aide des rares documens conservés dans les archives, le parti que la France pourrait tirer du pays tant de fois foulé par nos compatriotes dans les deux siècles précédens. Se croyant suffisamment éclairé par les lumières de M. Sylvain Roux et d’un ancien chef de traite, M. Forestier proposa de fonder un établissement colonial d’une certaine importance sur la côte orientale de Madagascar. L’île Sainte-Marie, située en face du port de Tintingue, parut offrir une réunion d’avantages propres à fixer d’abord le choix du gouvernement, — le canal qui la sépare de la grande île formant une rade sûre, d’un accès facile par tous les temps.

La pénurie des finances détermina l’ajournement de toute entreprise jusqu’à l’année 1819. Afin de préparer la voie, une commission spéciale, placée sous les ordres de M. Sylvain Roux, dut aller examiner l’endroit où il conviendrait d’entreprendre des cultures et d’attirer le commerce ; Tintingue et Sainte-Marie furent indiqués comme les points les plus favorables. En présence des principaux habitans du pays réunis en kabar, c’est-à-dire en assemblée générale, on reprit possession de Sainte-Marie le 18 octobre, et de Tintingue le 4 novembre 1818 ; la revendication de la propriété de la petite île ne fut nullement contestée par les indigènes. Le baron de Mackau, alors capitaine de frégate, et son état-major avaient mis le temps à profit pour lever le plan du port de Tintingue. Les explorateurs s’applaudirent de l’accueil des Malgaches ; ils amenaient du reste un témoignage vivant de la confiance qu’ils avaient inspirée. Le chef de Tamatave, né d’un père français et d’une mère de la race des Zafferamini, le fameux Jean René, avait remis son neveu, et le chef de Tintingue son petit-fils aux mains de M. de Mackau, pour les faire élever dans un des collèges de Paris.