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monarchique, sans devenir tout à fait une nation républicaine.

Quel est en effet le principe de la monarchie ? Qu’y a-t-il en elle de salutaire et de bienfaisant ? Ce n’est pas, comme son nom paraît l’indiquer, le gouvernement d’un seul homme ; à ce compte, elle ne serait peut-être pas la seule à procurer cet avantage aux nations. Le vrai principe de la monarchie, c’est l’hérédité ; c’est dans l’hérédité, et non dans le pouvoir personnel, qu’est la garantie recherchée pour l’avenir des peuples. Or le principe héréditaire est mort en France. On a essayé bien des fois de le rétablir depuis un siècle au profit des uns ou des autres ; on a toujours échoué. Tantôt c’était une révolution qui emportait le monarque, et qui engloutissait le trône avec lui ; tantôt c’était une invasion étrangère qui, suivant une expression fameuse, ramenait « dans ses bagages » une monarchie de rechange pour la nation qu’elle voulait priver de son chef ; tantôt la mort du prince amenait un changement de politique qui aboutissait à la ruine de sa dynastie ; tantôt une monarchie puissante, consacrée à plusieurs reprises par plusieurs millions de suffrages, s’effondrait brusquement sans laisser de traces, et se trouvait dédaigneusement balayée de la scène, dès que les malheurs de la patrie rappelaient la nation au sentiment de ses devoirs. Qu’on me cite depuis un siècle un seul exemple où la loi de l’hérédité ait été appliquée avec succès à deux générations de princes ; qu’on me cite une seule de nos monarchies, plus ou moins restaurées de l’ancien régime ou imitées de l’Angleterre, qui n’ait pas péri dans les mains de ses premiers fondateurs, et péri comme elle était née, soit par une révolution, soit par une guerre étrangère. Qu’on me nomme depuis un siècle, sauf Louis XVIII, dont le frère devait être bientôt renversé, un seul souverain qui soit mort dans son lit et dans son palais. Or, si l’hérédité de la couronne n’est plus qu’un vain mot dans notre pays, si le sort de l’établissement monarchique est lié à celui de l’homme qui le représente, si tout accident qui survient fait voler le trône en éclats, et entraîne à chaque fois le changement d’institutions destinées chaque fois à être éternelles, que faut-il en conclure, sinon que la monarchie a cessé d’exister en France, et qu’il est impossible de la faire revivre ? La monarchie, pour rendre service aux peuples, doit être non point un hasard d’un jour, mais une institution permanente. Le propre des bonnes institutions est de survivre aux fautes des hommes, et l’on ne saurait appeler de ce nom une forme de gouvernement qui n’est plus en France que le règne éphémère d’un homme. Ou sont alors les garanties qu’elle-nous donne ? Sur quoi repose la fausse et dangereuse sécurité qu’elle nous procure ? Elle dépend de la sagesse, du génie ou de l’heureuse étoile du prince. N’est-il pas vrai de dire que dans ces conditions la monarchie est un péril de plus, puisqu’elle endort la nation dans