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17,000 chevaux de force)[1], fait des voyages mensuels ou bimensuels dans l’Amérique centrale et l’Amérique du Nord, et aussi la compagnie des Messageries nationales, dont les 60 ou 70 navires sillonnent la Méditerranée en tous les sens, vont au Brésil et dans l’extrême Orient jusqu’à Yokohama. Quoique ces compagnies n’aient organisé leurs services lointains qu’à une date récente, alors que les Anglais possédaient une sorte de monopole dans l’Atlantique et les mers de l’Inde, elles ont pu lutter avec avantage dès leur début, grâce à la vitesse de leurs bâtimens et au confortable dont elles ont su entourer les voyageurs. En Angleterre, les compagnies Cunard et Inman font le service entre Liverpool et les États-Unis ou le Canada avec 46 navires ; en vingt-cinq ans, les bateaux de la compagnie Cunard ont traversé deux mille quarante fois l’Atlantique. La Royal-Mail emploie ses 19 navires à destination de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud ; la Compagnie péninsulaire et orientale, avec 53 navires, va dans l’Inde, en Australie, en Chine, au Japon. Les États-Unis peuvent citer avec orgueil la belle ligne de San-Francisco à Yokohama, que desservent des bateaux de 4,000 tonneaux et plus. En somme, on en est arrivé au point d’avoir 286 départs réguliers par an entre l’Europe et les États-Unis, c’est-à-dire presque six départs par semaine, et tous les grands ports, en quelque contrée que ce soit, envoient ou reçoivent des bateaux à vapeur dans chaque direction au moins une fois par mois.

Il est triste de dire que la flotte à vapeur de combat s’est développée dans notre pays avec plus de rapidité que la flotte commerciale. La France ne possède guère, tant sur les fleuves que sur mer, que 500 ou 600 navires de commerce, d’une force totale de 55,000 chevaux, tandis que sa marine de guerre dispose d’une force en chevaux-vapeur de plus du double. Il y a là, suivant M. Jacqmin, un renversement bien regrettable des lois économiques, et pourtant n’éprouve-t-on pas de notre temps un scrupule à contester des dépenses qui assurent la sécurité de notre pavillon sur tous les océans du globe ?

Passons à des applications plus modestes de la marine à vapeur. Autrefois les bâtimens à voile, arrivés en vue d’un port, stationnaient des journées entières, attendant que le vent leur permît d’approcher ; encore couraient-ils le risque de s’échouer en abordant les passes. Aujourd’hui, dè3 qu’un navire est signalé au large, un remorqueur se dirige vers lui et le ramène en quelques heures malgré le vent et malgré la marée. Le Havre possède 14

  1. Le cheval-vapeur des machines marines équivaut 3 ou 4 chevaux-vapeur des machines terrestres.