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diversement nommé (Vangaidrano des voyageurs modernes), compris entre les rivières Manantena et Menanara[1]. Très près de la côte, le pays, étant montagneux, se voit en mer à grande distance ; aussi les navires mal assurés de leur route venaient dans cette direction reconnaître la terre pour cingler ensuite au sud et atteindre le fort Dauphin. La contrée est riche en bétail et en partie couverte de champs de cannes à sucre et d’ignames ; elle a de nombreux cours d’eau, mais la plupart ne portent pas même des pirogues. Tous les habitans sont des nègres ayant une épaisse chevelure frisée : larrons et voleurs, ils enlèvent les enfans et les esclaves de leurs voisins pour les vendre au loin ; ils fabriquent du fer, forgent des armes et des outils, façonnent des pagnes avec les fibres d’une écorce. Des Français avaient entrepris des courses dans l’intérieur et donné quelques indications : on citait la grande vallée d’Itomampo, remarquable par une telle extension de la culture qu’on ne s’approvisionnait de bois qu’en allant le chercher sur les hautes montagnes, on parlait encore de localités plus éloignées dont la position géographique demeure pour nous fort incertaine. Sans nous en occuper davantage, nous suivons les pas de ceux qui s’acheminent vers la baie d’Antongil. Après avoir franchi la Menanara, ils se trouvent chez les Matitanes (Anteimoures sur les cartes modernes). Le pays qui s’étend jusqu’aux bords du Mananzarine est plat, sillonné de rivières et de ruisseaux, très fertile ; de vastes prairies assurent la prospérité de nombreux troupeaux ; les ignames, le riz, les cannes à sucre, fournissent amplement à la nourriture des habitans. Sur certains points, les cannes à sucre sont en si grande abondance qu’on s’étonne. « Avec des engins et des hommes, s’écrie notre ancien historien de Madagascar, on fabriquerait chaque année du sucre en quantité suffisante pour le chargement de plusieurs navires. » Les principaux personnages du pays des Matitanes sont les descendans d’Arabes venus de la Mer-Rouge, — la preuve n’est pas douteuse ; ils écrivent en caractères arabes. Ces gens-là tiennent école dans les villages ; pleins de superstitions, ils exploitent les superstitions plus grossières ou plus naïves des nègres en vendant à ces pauvres idiots des papiers chargés d’écriture qui doivent procurer une infinité d’avantages et préserver de tous les malheurs. Les ombiasses, ainsi qu’on les nomme, tout à la fois prêtres, médecins, magiciens, se montrent fort habiles à entretenir le culte des petits talismans ou des amulettes qu’on porte au cou, dans des ceintures ou d’une

  1. Les noms des rivières et des localités, recueillis de la bouche des indigènes, ont été très diversement cités par les auteurs ; nous les écrivons d’après les indications de M. Grandidier, qui a beaucoup étudié les formes et la prononciation de la langue malgache.