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grande dans la distribution des moissons, le premier, le deuxième et les suivans jusqu’à dix ayant été proclamés par les prêtres en vue de servir d’exemples aux autres. » Strabon rapporte le fait suivant : « une coutume propre aux Dalmates est de faire tous les huit ans un nouveau partage des terres. » Le partage périodique des terres devait être un usage bien général dans le monde ancien pour qu’il soit signalé de tant de côtés divers et chez des peuples de race, d’origine, de mœurs si différentes.

En Germanie, chaque habitant du village avait droit à une part de terre assez grande pour suffire aux besoins de la famille. Sauf pour les chefs, qui obtenaient un lot plus grand, cette part devait être égale pour tous[1], et, afin d’arriver à une égalité complète, on formait dans chaque partie de la superficie arable autant de lots qu’il y avait de co-partageans, et ces lots étaient ensuite tirés au sort. Le mesurage se faisait au moyen d’une corde, per funiculum, appelée en allemand reeb ou reepmale[2]. De ce mot vient le nom du reebnings procedur, coutume qui s’est très longtemps perpétuée dans le nord, et en Danemark surtout, même après que le partage périodique était tombé en désuétude. Quand avec le temps les parts étaient devenues inégales, celui qui avait moins que les autres pouvait réclamer un nouveau mesurage, reebning, afin que l’égalité primitive fût rétablie. — Nous trouvons dans la loi des Burgondes un texte qui se rapporte au même usage : « on ne peut jamais refuser aux co-partageans l’égalisation des parts dans le territoire commun. »

Le sol arable était d’abord divisé en champs séparés, ager, nommés en allemand wang, kamp, gewanne ou esch. Ce champ était entouré d’une clôture en bois ou d’un fossé à l’entretien desquels tous devaient concourir. Le chef du village convoquait à cet effet tous les habitans à certaines époques déterminées, et ce travail était l’objet d’une fête populaire. Cet usage s’est conservé presque jusqu’à nos jours dans la province néerlandaise de la Drenthe et en Westphalie. Là on voit encore les eschen se détacher nettement au milieu de la bruyère ; comme on y amène constamment, pour les fumer, des mottes de bruyère venant des étables, le terrain s’est exhaussé de plusieurs mètres. Quand l’assolement triennal s’introduisit en

  1. Cependant, soit dans certains pays, soit à une époque postérieure, il semble que la part de terre dépendait de l’importance de la maison, car Grimm cite cette curieuse maxime d’ancien droit germanique : « l’habitation, tompt, est la mère du champ ; elle détermine la part du champ, la part du champ détermine celle de la pâture, la part de la pâture celle de la forêt, la part de la forêt celle des roseaux pour couvrir le toit, la part des roseaux divise l’eau d’après les filets. »
  2. M. Von Maurer, dont les profondes recherches ont jeté tant de lumières sur cette matière, cite les textes les plus curieux dans son livre : Einleitung zur Geschichte der Mark,- Hof,- Dorf- und Stadtverfassung.