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LE NUAGE ROSE

A m"’^ GABRIEL le SAND. .

Ma chérie, ayaat déjà dédié un conte à ta sœur aînée, je veux te dédier celui-ci. Tu ne sauras le lire que l’auiiée prochaine, mais Aurore te le racontera dès à présent. Pourtant, l’année prochaine, il y aura encore bien des mots que tu ne comprendras pas toujours. C’est ta sœur qui te les expliqusra , car, si je vous fais ces contes pour vous amuser, je veux qu’ils vous instruisent un peu en vous faisant chercher une petite partie de la quantité de mots et de choses que vous ne savez pas encore.

Quand toutes deux vous comprendrez tout à fait sans qu’on vous aide, je n’y serai pcut-êtr.j plus. Souvenez-vous alors de la grand’mère qui vous adorait.

George Sand.

Nohant, 15 juiUot ISTa.

Catherine avait trois brebis à garder. Elle ne savait encore ni lire ni écrire ; mais elle ne causait pas trop mal, et c’était une très bonne fille, seulement un peu curieuse et changeant de caprice volontiers, ce qui prouve qu’au moins elle n’était pas tètuj.

Un peu après la Noël, ses trois brebis lui donnèrent trois agneaux, deux très forts et le troisième si petit, si petit, qu’on eût dit un petit lapin. La mamin de Catherine, qui s’app^’lalt Sylvaine, méprisa beaucoup ce pauvre agneau, et dit que ce n’était pas la p eine qu’il fût venu au monde, qu’il ne s’élèverait pas, ou qu’il rest erait si chétif qu’il ne vaudrait pas l’herbe qu’il mangerait.

Ces paroles firent de la peine à Catherine, qui trouvait cette petite bête plus jolie, plus à son gré et à sa taille que toutes les autres. Elle se promit d’en avoir grand soin, et lui donna le nom de Bichette, car c’était une agnèle.

TOME C. - I" AOUT 1872. 31