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Valenciennes et Lille sont sous l’eau. C’est dans ce golfe que se déposent les terrains. éocènes du bassin tertiaire de Paris, tandis que des terrains analogues se déposent dans celui de Londres. Les Landes de Gascogne forment un second golfe ainsi que la contrée dont Carcassonne occupe le centre. De grands lacs d’eau douce sont dispersés à la surface de la France, où ils ont formé des bassins circonscrits dont les fonds, aujourd’hui à sec, sont désignés sous le nom de terrains lacustres. Tels sont le bassin de Limagne en Auvergne, les environs d’Aix en Provence, etc.

Après le dépôt des terrains tertiaires, la France géologique est faite : tout son sol, les Landes exceptées, est émergé, mais d’énormes glaciers occupent les Pyrénées, les Alpes, les Vosges et le Jura ; ils descendent dans les plaines voisines et y déposent de grandes moraines. Ces glaciers fondent, donnent lieu à des cours d’eau qui entraînent dans les vallées sous forme de cailloux roulés les débris arrachas aux montagnes : c’est l’époque pliocène. L’homme existe. il a traversé l’époque glaciaire et assiste à la période de réchauffement qui l’a suivie. Cependant le travail géologique de la nature n’est pas interrompu : le Rhône dépose ses alluvions dans un golfe dont Arles occupe le sommet, il le comble, et le Delta de la Camargue s’avance dans la mer. La plaine sous-pyrénéenne, les bords du Rhône depuis la Crau jusqu’à Lyon, ceux de la Saône de Lyon à Dijon, sont couverts de nappes de cailloux roulés provenant des Pyrénées et des Alpes.

Le lœss, véritable boue glaciaire, résultat de la trituration des roches alpines par le glacier du Rhin, couvre la plaine depuis Râle jusqu’à Mayence. Il semble qu’une période de repos succède à une série de périodes actives, pendant lesquelles les couches du globe se sont superposées chronologiquement. Ce repos n’est que relatif ; la nature ne se repose jamais. De nouvelles couches se forment au sein des mers actuelles ; nos côtes se soulèvent, s’affaissent ou se détruisent lentement ; les continens, nivelés par les glaciers et les eaux courantes, qui font descendre peu à peu les montagnes dans la plaine, seront de nouveau submergés, tandis que le fond de nos mers émergera peu à peu du sein des flots. L’homme futur habitera les parties du globe sillonnées aujourd’hui par les navires, et nos continens formeront le fond de nouvelles mers. La faune et la flore du globe terrestre se transformeront également ; les êtres organisés passeront à l’état fossile, et seront les ancêtres de ceux qui leur succéderont. Si la loi du perfectionnement incessant des espèces, manifestée dans les millions d’années que la terre a vécu, se maintient indéfiniment, un être plus parfait que l’homme le remplacera. L’idée d’ange, vague pressentiment de l’avenir du genre humain, qui reparaît dans toutes les cosmogonies, se réalisera, non dans le ciel mythologique des religions, mais sur la terre même où elles sont nées, et où elles se transforment à leur tour comme le monde physique, dont elles reflètent les phénomènes.


CH. MARTINS.