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ser la France retrouver paisiblement son équilibre dans son indépendance nationale bientôt reconquise, et dans sa liberté sauvegardée.

CH. DE MAZADE.

ESSAIS ET NOTICES.

LE FOND DES MERS.
Lithologie du fond des mers, par H. Ch. Delesse, professeur à l’École des mines et à l’École normale.

L’étude du fond des mers en général et le long des côtes en particulier offre un double intérêt : un intérêt scientifique et un intérêt pratique. L’intérêt pratique est évident. La connaissance du fond de la mer importe au navigateur, car la sûreté de l’ancrage en dépend. Sur un fond de roche, l’ancre ne mord pas : sur un fond de sable, elle ne tient pas ; elle s’enfonce au contraire dans un fond vaseux, et la fixité du navire est assurée. Le Pilote français et les différens portulans contiennent à cet égard tous les renseignemens nécessaires ; mais les travaux qui se font dans les ports ou sur les côtes nécessitent des notions plus précises et plus détaillées. Profondeur des eaux, hauteur des marées, direction et force des courans et des vents régnans, déplacement des matériaux meubles, tels que les sables et les limons charriés par les courans constans ou intermittens, apports des fleuves et des cours d’eau qui se jettent dans la mer, nature géologique du sol sous-marin caché sous les dépôts meubles, tous ces élémens doivent être appréciés par l’ingénieur chargé de la construction, de l’entretien ou de l’amélioration d’un port, d’une embouchure de fleuve, d’un canal ou d’un étang communiquant avec la mer.

Jadis l’intérêt pratique de la géologie sous-marine se bornait aux besoins que nous venons d’énumérer. Dès que le navigateur s’éloignait des côtes, la connaissance des profondeurs de la mer lui devenait indifférente : peu lui importait combien de centaines de mètres d’eau séparaient la quille de son navire du fond de la mer qu’il allait parcourir. La télégraphie électrique a nécessité des explorations embrassant les mers dans toute leur étendue. A la connaissance des profondeurs, il a fallu joindre celle de la nature du fond, si importante pour la sécurité des câbles immergés. Des sondages multipliés ont fait reconnaître des vallées profondes, des plateaux étendus, des montagnes dont les sommets n’atteignent pas la surface des eaux. Une véritable orographie sous-marine, comparable à l’orographie terrestre, a été dévoilée par les sondages multipliés, préliminaires obligés de la pose du câble qui devait mettre en communication des continens séparés par de vastes étendues de mer. L’exploration du littoral n’était plus suffisante ; la géogra-