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enfin de notre sagesse. » Ce que M. de Rémusat dit comme ministre, M. le duc de Broglie le dit à son tour comme rapporteur de la commission parlementaire. Oui, en effet, tout est là. C’est une question de crédit et de sagesse. M. le ministre des finances s’est chargé de mettre pour ainsi dire en chiffres cette redoutable question en présentant le projet d’emprunt. L’assemblée ne s’est point encore prononcée, elle attend le rapport de sa commission. Entre l’assemblée et le gouvernement du reste, il ne peut y avoir sur ce point aucune divergence. La nécessité n’est point douteuse, l’opportunité est tout aussi évidente ; on est à peu près d’accord sur les conditions, et, si le vote n’est point encore connu, il est facile à prévoir ; il sera sans doute unanime, à moins qu’il ne se trouve encore trois ou quatre protestans comme pour le traité avec l’Allemagne, et, avant qu’un mois soit passé, le dernier mot de l’emprunt sera dit. Ainsi la France se trouve encore une fois engagée dans une des plus hardies et des plus formidables opérations de crédit, et on peut bien convenir sans forfanterie qu’elle supporte le poids de ces épreuves avec une certaine fermeté, avec le sentiment de ce qu’elle se doit à elle-même. L’an dernier, elle a dû emprunter 2 milliards pour commencer le paiement de sa rançon ; cette année, c’est plus de 3 milliards qu’elle doit demander au crédit pour compléter sa libération, et ce n’est là encore qu’une partie de ce qu’elle a payé depuis quinze mois ou de ce qu’elle doit payer, puisqu’elle a été ou elle reste obligée de suffire à bien d’autres charges léguées par la guerre.

Cette dévorante liquidation, elle l’a courageusement acceptée, elle la poursuit, et, qu’on le remarque bien, au milieu de cette crise permanente qu’elle traverse, elle n’a point cessé de faire bonne contenance. Elle a pourvu à tout, elle a maintenu la régularité de ses services publics ; elle n’a pas craint même de s’imposer des dépenses nouvelles pour fortifier son organisation militaire, et elle a inscrit 200 millions d’amortissement dans son budget. Malgré toutes ces profusions presque ruineuses, sa dette n’a point trop fléchi sur les marchés du monde, les billets de la Banque de France n’ont subi aucune dépréciation, et ils résisteront encore certainement à un accroissement nouveau du chiffre de l’émission. S’il y a eu un moment l’an dernier quelque embarras dans la circulation monétaire par suite des énormes paiemens qui ont été faits, ces difficultés ont été surmontées avec une facilité relative. L’industrie et le commerce, malgré d’incontestables souffrances, ne se sont point découragés, le travail ne s’est point interrompu. Convenons-en, puisque les étrangers eux-mêmes l’ont souvent remarqué avec un certain étonnement, tous ces faits sont un signe éclatant de la vitalité de la France, de la puissance de ses ressources, qui ne sont point sans doute inépuisables comme on le disait autrefois, mais qui, sagement administrées, permettront de conduire jusqu’au bout sans défaillance la liquidation de nos désastres, Et maintenant, dans ces conditions, quel