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pays observés d’une manière scientifique ont amené comme une révélation cette vue du passé : Madagascar a été le centre d’une création spéciale ; la grande île n’est sans doute que le débris d’un continent, vaste peut-être comme l’Australie, qui à une époque ancienne du monde dominait sur l’Océan indien.

Tant de préoccupations ont encouragé des tentatives hardies, déterminé des recherches plus ou moins importantes, suscité de nombreux ouvrages. Néanmoins jusqu’à présent une faible partie de Madagascar avait été explorée. On s’abuse si l’on croit que des descriptions se rapportant à certains points circonscrits s’appliquent à l’île entière. Avec une intention calculée, des narrateurs, négligeant de préciser les limites du champ de leurs observations, ont permis à l’opinion de s’égarer. Aujourd’hui rien de semblable n’est à craindre ; des voyageurs dont les récits datent presque d’hier ont pris soin de constater que de vastes espaces de l’île n’ont jamais été visités par les Européens. En toute vérité, ils déclarent que la topographie et la constitution géologique n’ont pas encore eu d’investigateurs, que la vie végétale et animale, si remarquable sur cette terre, n’a point été l’objet d’études suffisantes[1]. Seule la configuration des côtes est tracée d’une manière assez exacts ; c’est l’œuvre d’officiers des marines de France et d’Angleterre. Depuis un certain nombre d’années, la route de Tamatave à Tananarive, la capitale de l’île, a été souvent parcourue ; les étapes ont été indiquées sans être mesurées, et la position de Tananarive est restée quelque peu indécise. Pour tout le reste, des renseignemens d’un caractère scientifique font défaut. Qu’un prisonnier ait traversé une partie considérable de l’île, que des aventuriers soient allés plus ou moins loin sur la Grande-Terre, ainsi que les Malgaches désignent leur patrie, peu importe, on n’a tiré aucun avantage de pareilles courses.

Jusqu’à nos jours, les indigènes avaient interdit aux Européens l’accès de l’intérieur du pays. En présence des obstacles, les plus entreprenans avaient été découragés. Le moment est arrivé néanmoins où les difficultés ont été vaincues ; — un de nos compatriotes, ferme dans son dessein, apportant à l’exécution d’un projet bien arrêté une persévérance inébranlable, mettant à profit des relations nouées avec adresse, est enfin parvenu à obtenir l’appui des uns et à déjouer la surveillance des autres. De 1868 à 1870, M. Alfred Grandidier a traversé l’île dans une partie de la longueur et sur plusieurs points dans toute la largeur. Dominé par l’unique ambition d’acquérir des connaissances nouvelles sur une région qui offre tous les genres d’intérêt, le voyageur n’a pas visité une localité

  1. James Sibree, Madagascar and its people, p. 19 ; 1870.