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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet 1872.

Va-t-on revenir enfin au calme de l’esprit, au sang-froid dans les délibérations publiques, à cette tranquille résolution qu’il faut pour se remettre simplement et fructueusement aux affaires du pays ? L’atmosphère politique au contraire va-t-elle rester indéfiniment chargée de tous ces orages de mauvaise humeur et de vague irritation qui passent dans l’air depuis quelque temps sans pouvoir éclater, sans se dissiper ? Est-ce qu’on n’a pas assez de toutes ces émotions factices et de ces maux de nerfs dont on se fait une cruelle et dangereuse habitude ? Ce n’est pourtant pas trop le moment de jouer avec le feu, de réveiller toutes les animosités des partis, de s’exciter à des combats inutiles, au risque de compromettre la France elle-même dans un de ces conflits où l’on s’engage par impatience, sans savoir comment on en sortira. Si encore, dans ces agitations dont on se fait un jeu, il y avait une pensée claire et saisissable, si en présence de toutes les difficultés d’une situation douloureuse on se sentait la résolution et le pouvoir de trancher en quelque sorte dans le vif, de prendre une initiative hardie, de dissiper d’un seul coup ces contradictions, ces incohérences qui sont la suite de révolutions accumulées, ce serait tout simple, quoique ce ne fût pas sans péril, d’accepter les chances d’une crise qu’on se flatterait de conduire et de dominer ; mais non, on ne peut rien, on le sent, on ne s’agite pas moins, et en définitive quel est le résultat le plus clair ?

Il n’y a point d’autre résultat en vérité que de remettre sans cesse tout en doute et en suspens. On a l’air de déclarer la guerre à un gouvernement qu’on a créé et qu’on ne peut pas remplacer. On croit préparer des combinaisons nouvelles qui seront la suprême sauvegarde dans le péril, et on ne fait que jeter dans une situation déjà bien assez laborieuse un dissolvant de plus, en multipliant les malaises, les tiraillemens et les froissemens. On joue à la fronde. Bientôt les imaginations se mettent de la partie, et on en vient à se nourrir de toutes ces fables qui ne sont après tout que la bizarre expression d’une incertitude mala-