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notions scientifiques, tout en conservant à l’étude l’élévation et la généralité, tel est le problème que poursuivent ceux qui veulent fonder en France l’enseignement professionnel. Combien le rapprochement des écoles et de la grande industrie ne faciliterait-il pas la réalisation de ces idées ?

Tout en aidant à l’expansion de l’enseignement scolaire, les industriels pourraient sans grande dépense contribuer au développement physique des enfans par les exercices du corps, par la gymnastique. C’est là un élément de l’éducation qui est trop négligé en France, et qui est pourtant bien nécessaire. On a vu qu’en Allemagne la loi stipule formellement que pendant le temps de repos obligatoire les enfans des fabriques doivent prendre de l’exercice en plein air. L’activité corporelle bien réglée est spécialement utile pour ces jeunes êtres qui dès l’âge de dix ou douze ans ont vécu enfermés dans des ateliers, astreints à une occupation uniforme qui rompt l’équilibre de leur constitution, dévie les membres, amène ici des affaiblissemens, là des développemens exagérés. Que d’enfans, sortant des manufactures, sont rachitiques, déformés, étiolés à l’âge de vingt ans ! Quelques heures d’exercice gymnastique chaque semaine leur auraient conservé la santé et la force. Là encore, la bonne volonté des patrons peut beaucoup : qu’ils établissent eux-mêmes des gymnases, excitent l’émulation par de petites récompenses ; avec très peu d’efforts, on obtiendra d’importans résultats. Les écoles de chant, les cours de dessin seraient également d’excellentes institutions non-seulement pour les enfans, mais pour les jeunes gens et même pour certains adultes. Là où l’initiative individuelle isolée ne suffirait pas, des groupes d’industriels pourraient s’entendre pour une fondation commune. Les œuvres de l’enseignement sont-elles donc moins sacrées que celles de la charité, et ne méritent-elles pas d’être soutenues avec la même ferveur ? Dans les centres manufacturiers, l’instruction, surtout l’instruction professionnelle, pourrait facilement être organisée par les syndicats soit de patrons, soit d’ouvriers. Dans les programmes de ces associations, la question de l’enseignement figure presque toujours au premier rang. On parle d’organiser l’apprentissage, d’instituer des cours spécialement adaptés aux besoins de chaque profession. Les fabricans d’Alsace ont sur ce point comme sur tant d’autres donné d’excellens exemples : les écoles techniques de Mulhouse, de Guebwiller, de Wesserling, sont des types remarquables ; elles ont été imitées dans d’autres régions, à Lyon, où l’école de la Martinière a produit de si bons résultats, dans le Calvados, à La Ciotat, à Amiens, à l’usine de Graffenstadt, à Baccarat, à Saint-Gobain, etc. Quelques chambres syndicales d’ouvriers ont commencé à marcher dans la