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objections qu’on a le plus souvent adressées aux partisans de la limitation de la journée de travail. Les patrons pourront avec quelques efforts faire disparaître en grande partie ce danger. Il leur est facile d’encourager l’assiduité des enfans aux écoles, soit en récompensant ceux qui ont montré le plus d’ardeur, soit par des réprimandes et une certaine sévérité vis-à-vis des délinquans. S’il n’y a pas d’école voisine des fabriques, les industriels pourront à peu de frais en fonder dans l’atelier ou à la porte même de l’usine. De nombreuses institutions de ce genre fonctionnent déjà avec succès. La liste serait longue des établissemens où, comme aux chantiers de La Ciotat, au Creusot, à Anzin, dans les filatures de l’Alsace, des écoles sont ouvertes à certaines heures aux enfans et aux apprentis. Ce sont là d’excellentes créations. Le chef d’industrie s’intéresse tout naturellement aux progrès des jeunes écoliers ; au besoin il se fait professeur ou examinateur lui-même. L’enfant sent naître un nouveau lien entre le patron et lui ; l’instruction qu’il y reçoit le rattache plus étroitement à l’établissement où il travaille. Il y est élevé dans certaines traditions qu’il n’oubliera jamais complètement : au milieu des épreuves et parfois des corruptions de la vie, il conservera une bonne impression de la salle d’étude où son esprit s’est ouvert aux lueurs de la science élémentaire, où en sortant de l’atelier il a trouvé des livres, des cartes, un maître d’école patient et bienveillant. L’enfant est naturellement curieux et porté à s’instruire ; mais trop souvent aujourd’hui il arrive à la classe fatigué par un travail manuel prolongé ou par des distances excessives. Les cours du soir ont ce désavantage, que les auditeurs n’y viennent qu’après une journée de labeur et peuvent à peine se tenir éveillés. L’application du demi-temps éviterait cet inconvénient ; les enfans, libres pendant toute la matinée ou l’après-midi, auraient l’esprit dispos et profiteraient doublement de l’enseignement scolaire.

On a dit qu’il sera impossible d’avoir dans des écoles de ce genre des cours complets avec un professeur compétent dans chaque branche. Il est évident que les écoles communales pourront être mieux organisées ; mais pour porter de bons fruits, l’instruction n’a pas besoin d’être encyclopédique. Lorsqu’ils entreront dans les manufactures à l’âge de dix ans, les enfans sauront déjà lire, écrire, et posséderont les élémens du calcul. La tâche de l’instituteur consistera donc d’abord à développer ces premières notions. Pour le complément de l’éducation, c’est moins l’amplitude des connaissances qu’une bonne méthode qui importe chez le professeur. L’essentiel est d’ouvrir les esprits, d’attirer les intelligences vers l’étude. Combien d’anciens écoliers qui au bout de dix ans ont le cœur et l’esprit aussi fermés que s’ils n’étaient jamais entrés dans une