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fréquente de l’état : on aurait pu croire que l’industrie ne se soumettrait jamais au joug d’une inspection minutieuse et sévère ; eh bien ! l’expérience a prouvé que les inspecteurs font partout appliquer la loi, que les fraudes sont devenues très rares.

« Posons la question en ces termes, dit le rapporteur[1] : Veut-on, oui ou non, une loi sérieuse, une loi exécutée ? En cas d’affirmative sincère, on ne doit pas hésiter plus longtemps à constituer l’inspection rémunérée par l’état ; si non, la loi nouvelle restera illusoire. » L’inspection gratuite serait stérile. Sous les régimes précédens, on a rencontré des hommes dévoués qui déployèrent un grand zèle dans cette mission délicate et pénible ; mais les fabriques voisines des villes étaient seules soumises à un certain contrôle. On ne pouvait pas demander à des commissaires non rétribués de se déranger de leurs affaires pour aller visiter une usine écartée. D’ailleurs en cas de contravention, quelle commission gratuite voudrait assumer les désagrémens et la responsabilité des poursuites judiciaires ? qui s’exposerait, sans y être contraint, aux luttes personnelles, aux difficultés de tout genre qui doivent naître d’une application rigoureuse de la loi ? Attendre de pareilles commissions la continuité d’action, l’inflexibilité dans la répression des abus, l’unité de vue et de direction qui sont les conditions essentielles du succès, n’est-ce pas se bercer d’illusions ?

On propose donc de diviser le territoire en quinze circonscriptions industrielles : dans chacune d’elles, un inspecteur divisionnaire sera nommé et rétribué par l’état. Les inspecteurs auront entrée dans tous les établissemens industriels : ils devront dresser procès-verbal des contraventions ; leur dire fera foi jusqu’à preuve contraire. Cette organisation est, comme le déclare le rapport, une première tentative : elle n’est pas aussi complète que l’inspection anglaise, qui se compose de 40 inspecteurs, dont les droits sont plus étendus ; cependant, même dans ces limites, la nouvelle institution serait un progrès sérieux. Au-dessus des inspecteurs divisionnaires, le projet place deux inspecteurs-généraux, également nommés par le gouvernement. Seront admissibles aux fonctions d’inspecteurs les ingénieurs civils ou de l’état, ou ceux qui justifieront avoir dirigé ou surveillé pendant cinq années des établissemens occupant 100 ouvriers au moins. La commission prévoit que les appointemens de ces fonctionnaires et les frais de tournées ne dépasseraient pas environ 160,000 francs. Le traitement des inspecteurs serait fixé à 6,000 francs.

A côté de l’inspection rétribuée, le projet voudrait maintenir deux

  1. M. Eugène Tallon.