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projet semble plutôt rester en-deçà de la législation actuelle. La loi existante, on se le rappelle, divise les enfans en deux catégories, ceux de huit à douze ans, et les adolescens de douze à seize ans. La catégorie des adolescens est, comme la première, protégée par la loi. Ils doivent être affranchis de tout travail le dimanche ; leur emploi aux travaux de nuit est soumis à de nombreuses restrictions, ils profitent des prescriptions législatives au point de vue des ateliers dangereux, de l’instruction primaire, etc. Le projet de loi ne conserve pas cette division en deux classes ; il se contente d’élever l’âge de la première à treize ans, et supprime la seconde : à partir de treize ans, les adolescens seront considérés comme des ouvriers libres, et leur journée ne sera plus limitée par la loi. C’est là du moins ce que déclare le rapport.

Au premier abord, il semble que la commission introduise une grave réforme. Les Anglais, les Allemands, les Suisses ont également admis les deux périodes, celle de l’enfance et celle de l’adolescence ; la seconde se prolonge en Angleterre jusqu’à dix-huit ans, en Allemagne jusqu’à seize. Le projet de loi élaboré par le Belgique étendrait la protection jusqu’à dix-huit ans. Il est vrai que ce sont peut-être là des limites trop reculées. Déterminer l’âge exact où la loi doit considérer le jeune ouvrier comme un homme fait et le laisser voler de ses propres ailes est évidemment une question délicate. Dans les pays où le travail des adultes est communément très prolongé, il devient nécessaire de limiter jusqu’à la croissance complète la journée des adolescens. C’est ainsi qu’en Allemagne et en Suisse, où les journées des ouvriers sont habituellement d’une durée excessive, le législateur a dû interdire aux jeunes gens plus de dix heures de travail quotidien. Chez nous la loi de 1848 et les mœurs ont réduit presque partout la journée à moins de douze heures ; il n’est donc pas à craindre que les jeunes ouvriers soient astreints comme autrefois à rester pendant quatorze ou quinze heures dans les ateliers. Pourtant cette considération justifierait-elle suffisamment la suppression complète de la seconde catégorie ? Un jeune homme de seize à dix-huit ans peut à la rigueur supporter une journée de dix ou douze heures et être traité comme un ouvrier ordinaire ; mais un enfant de treize à quatorze ans doit-il être abandonné à lui-même, sans que la loi mesure le fardeau que ses faibles forces peuvent porter ? Nous ne le pensons pas, et en fait la commission partage notre opinion. Tout en rayant de la loi la catégorie des adolescens, dans la réalité elle la conserve. Le travail de nuit est interdit jusqu’à l’âge de seize ans révolus pour les garçons, jet sans limite d’âge pour les femmes et les filles. La même interdiction s’applique au travail des dimanches