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de cet emprunt qui vient s’enter sur un récent appel de 2 milliards, mais encore tous les moyens de parer aux risques imprévus. Or, pour une pareille opération financière, le temps est d’un grand secours. De même qu’un particulier, l’état qui se trouve dans la fâcheuse situation de débiteur est intéressé à obtenir terme et délai, sauf à n’en pas faire usage. Il a ainsi plus de champ pour se mouvoir dans les combinaisons financières auxquelles il a recours, pour étudier et aménager ses impôts ou pour organiser ses emprunts. Le temps qui lui est accordé, il peut en faire profiter ses nouveaux prêteurs et traiter avec eux à des conditions plus avantageuses et plus sûres. Financièrement, ce sont là des principes élémentaires. Le point important à considérer, c’est le succès de l’emprunt, et celui-ci réussira d’autant mieux que les versemens seront moins étroitement resserrés dans un délai fatal, et que les prêteurs seront plus au large pour apporter successivement le montant divisé de leur souscription. Il s’agit, encore une fois, de plus de 3 milliards !

En conséquence les mesures qui tendent à faciliter l’opération de l’emprunt aboutissent à la libération du territoire. Que l’on souscrive d’abord les 3 milliards ; puis viendront les combinaisons particulières à l’aide desquelles le gouvernement, faisant appel au concours des établissemens financiers, pourra rendre plus promptement disponibles les produits à réaliser sur les versemens des souscripteurs et se prévaloir, à l’égard de l’Allemagne, du droit d’anticipation de paiemens qu’il s’est réservé par le traité du 29 juin. Cette intention, qu’il était aisé de deviner, est annoncée de la façon la plus claire dans le projet de loi relatif à l’émission du prochain emprunt. Qu’importe l’éloignement de la date conventionnelle pour la fin de l’occupation, si nous stipulons la faculté de nous libérer plus tôt et d’avancer la date réelle qui pourra même être antérieure au 1er mars 1874 ? C’est ainsi qu’il faut apprécier celle des clauses du traité de Versailles qui a été le plus vivement critiquée. Pour peu que l’on réfléchisse et que l’on calcule, on reconnaîtra que les impatiences du patriotisme se sont égarées dans cette question de date. Il n’y a pas un financier qui ne déclare que les conditions nouvelles sont plus favorables au point de vue de notre crédit et dans l’intérêt de l’évacuation.

Quant aux regrets exprimés sur le maintien d’une armée de 50,000 hommes dans les deux départemens qui pourront encore être occupés après le paiement des deux premiers milliards, chacun s’y associe. Il paraît dur en effet et très inique d’affecter à la garde d’un gage restreint l’effectif militaire qui avait été jugé nécessaire pour occuper six départemens. Le gouvernement français a fortement insisté pour que le cabinet de Berlin ne maintînt pas cette