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de leurs sujets. A Bamberg, les bourgeois commirent, avec les paysans des domaines de l’évêque, mille excès. Treize châteaux furent incendiés ; le prélat en fut réduit à souscrire à toutes les conditions qu’on lui imposa, notamment à laisser prêcher dans son diocèse la doctrine évangélique. Il y avait à Wurzbourg un évêque plus impopulaire encore ; il s’appelait Conrad de Thungen. C’était un homme dur et peu charitable. Sachant trop les sentimens qu’il inspirait aux campagnards et aux bourgeois, il se hâta, aux premiers symptômes de l’insurrection, d’appeler autour de lui sa noblesse, qui comprenait quatre-vingt-dix familles de comtes et de seigneurs. Il voulait tenir un landtag où l’on discuterait les moyens de défense ; mais il était trop tard pour délibérer, les bourgeois de Wurzbourg avaient déjà fait contre l’évêque un véritable pronunciamento. Le prélat n’eut d’autre ressource que de se retirer dans son château de Liebfrauenberg, voisin de la ville. Il y fit transporter son trésor et ses archives. Tout son haut clergé vint l’y rejoindre avec sa noblesse, et l’on jura de se défendre jusqu’à la dernière extrémité ; mais la garnison, qui savait la haine des Wurzbourgeois pour Conrad et pensait que sa présence provoquerait une attaque de leur part, engagea l’évêque à fuir. Il écouta le conseil et gagna Heidelberg, où il se rendit près du comte palatin, qu’entourait déjà une foule de princes, de prélats et de seigneurs que la peur des insurgés avait fait émigrer de leurs domaines.

C’était le moment où Metzler et Wendel Hippler avaient ramené dans l’armée rebelle plus de discipline et d’ordre. Une fois maîtres d’eux-mêmes, les bourgeois de Wurzbourg ouvrirent les portes aux paysans et se réunirent à eux ; ils décidèrent qu’on attaquerait de concert le château de Liebfrauenberg. La direction de l’armée rebelle fut remise au conseil des paysans, où, à côté de Wendel Hippler, de Götz de Berlichingen et de Metzler, siégeaient différens chefs des bandes de la Franconie, et deux capitaines expérimentés, Jacob Köhl et Florian Geyer. Ce dernier, de race noble, était venu soutenir les insurgés à la tête d’un corps de 8,000 hommes. Ainsi composé, le conseil des paysans, qui tenait ses réunions dans la salle capitulaire de la cathédrale de Wurzbourg, s’efforça de centraliser enfin la direction des opérations militaires. On commença par sommer la garnison du château de se rendre. Celle-ci demanda le temps d’envoyer prendre les instructions de l’évêque. Plusieurs dans le conseil opinaient pour qu’on laissât la garnison épiscopale sortir librement du château, si elle consentait à jurer les douze articles ; mais ceux des bourgeois de Wurzbourg qui avaient voix dans le conseil furent d’un avis différent, car ils voulaient avant tout anéantir la puissance du prélat. Ils l’emportèrent, et,