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l’héritier direct et logique des attributions que le pouvoir central avait confiées en 1791 aux conseils départementaux. — On ne saurait prendre texte de la création des départemens comme personnes morales pour plaider l’établissement de la personnalité du canton. La vaste étendue du département, les services publics nombreux dont il était le siège, l’ensemble des intérêts qu’il représentait, ont légitimé la personnalité qu’il avait acquise subrepticement pour ainsi dire. Houage utile, indispensable même, il sert souvent d’intermédiaire entre l’état et la commune, dont il peut amortir les chocs fréquens. Les mêmes raisons ne peuvent pas militer pour l’établissement d’autres unités légales. Il y aurait danger à augmenter dans notre organisation la part des créations purement théoriques. Que si on tenait absolument à multiplier les rouages administratifs et à créer au nom de la décentralisation une infinité de nouveaux centres, encore vaudrait-il mieux s’adresser aux conseils d’arrondissement, ainsi que le propose M. Ulric Perrot. Dans cet ordre d’idées, s’adressant à un conseil depuis longtemps établi et dont la valeur élective est toute semblable à celle des conseils-généraux, on aurait l’immense avantage de profiter de la tradition et d’améliorer ce qui existe déjà, au lieu de le changer de fond en comble. La composition des conseils d’arrondissement garantirait leur impartialité entre les différentes communes. Le caractère de leur réunion les placerait assez haut pour administrer sans parti-pris, assez près des intéressés pour connaître leurs besoins. Les limites de l’arrondissement seraient assez larges pour embrasser des intérêts réels, assez étroites pour ne pas dépasser l’activité et les connaissances des conseillers. On pourrait alors leur confier, dans les questions qui ne concernent que les communes de l’arrondissement et qui n’intéressent que lui seul, des attributions semblables à celles du conseil-général.

Les avantages de cette amélioration sur la révolution qu’on projette seraient, en dehors de toutes les supériorités déjà énoncées, ceux que possède tout progrès normal et successif sur les changemens violens et radicaux ; mais nous sommes ainsi faits qu’une œuvre de perfectionnement nous paraît toujours indigne de nous. Tandis que lentement, industrieusement, sans secousses, nos voisins d’outre-Manche et d’outre-Rhin transforment leurs vieilles institutions, nous ne trouvons rien de mieux à faire que de tout mettre à bas pour tout reconstruire. Encore si cette tendance révolutionnaire n’appartenait chez nous qu’au parti radical et trouvait ailleurs un contre-poids, ce serait un des élémens du progrès et des évolutions de notre génie national ; mais sur ce point tout Français est radical, et chacun met la sape dans le vieil édifice, aimant