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donné une autonomie très réelle, trop grande même, affirme-t-on. Les chefs de famille, réunis en assemblée sous la présidence du starosta ou maire qu’ils ont élu, discutent et règlent directement les affaires communales, comme les contribuables de la vestry (paroisse) en Angleterre et la landesgemeinde dans les cantons primitifs de la Suisse. Le starosta est le chef de la police ; il juge aussi les simples contraventions, comme le fait le maire de Londres. Il peut prononcer des condamnations jusqu’à concurrence d’un rouble d’amende et de deux jours de travail. La réunion de plusieurs villages forme le volost, sorte de grande commune ou arrondissement semblable au township des États-Unis et au concelho portugais. Le volost doit avoir de 300 à 2,000 habitans. Le chef administratif du volost est le starshina, qui est assisté d’un conseil composé des starostas des villages de la circonscription. De concert avec eux, il règle tout ce qui concerne les impôts, les recrues, les routes, les corvées. Pour les affaires importantes, il réunit le grand conseil des délégués des villages nommés chacun par un groupe de dix familles. Ce conseil élit de quatre à dix juges ou jurés qui se réunissent successivement au nombre de trois pour vider les procès civils jusqu’à concurrence de 100 roubles et pour prononcer les peines correctionnelles.

L’ensemble des habitans d’un village possédant en commun le territoire qui y est attaché s’appelle le mir[1]. Ce mot, qui semble appartenir à tous les dialectes slaves, et qu’on trouve dans les documens tchèques et silésiens du XIIIe siècle, répond, à l’idée que rendent les termes de commune, gemeinde ou communitas, mais

  1. Des détails précis sur la commune russe, surtout ceux d’un caractère juridique, sont difficiles à réunir. Le grand ouvrage du baron de Haxthausen, Études sur la Russie, — un curieux travail de M. Wolowski dans la Revue du 1er août 1858, — une étude de M. Cailliatte dans la Revue du 15 avril 1871, — Free Russia, by W. Hepworth Dixon, 2 vol. 1870, — le rapport si complet de M. Michell sur l’émancipation des serfs dans un Blue Book de 1870 (Reports respecting the tenure of land in the several countries of Europe), — l’Avenir de la Russie, par Schédo-Ferroti (baron Firks), — une étude de M. Tchitcherine dans le Staatswörterbuch de Bluntschli (Leibeigenschaft in Russland), — Kawelin, Einiges über die russische Dorfgemeinde, Tüb. Zeitschrift für Staatswiss, XX., 1, — von Bistram, Rechtliche Natur der Stadt-und Landgemeinde, — Dr Adolph Wagner, Die Abschaffung des privaten Eigenthums, — une publication récente de M. Julius Eckardt, Russlands ländliche Zuslände (1870), — une étude de M. Julius Faucher, membre du parlement allemand, dans le premier volume des Cobden club Essays, — un article de M. Wyrouboff dans la Philosophie positive (1871), — telles sont les meilleures sources abordables pour ceux qui ne connaissent point le russe. En cette langue, on trouve d’innombrables écrits consacrés à discuter les avantages et les inconvéniens du mir, mais je ne crois point qu’il existe un ouvrage fondamental faisant connaître l’origine, l’histoire et les particularités de cette curieuse institution. Il faudrait une vaste enquête sur les usages et les traditions des diverses localités, faite sur place par des juristes qui seraient en même temps économistes.