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beaux-arts à l’époque révolutionnaire, elles démontrent que c’est à tort qu’on trouve tout ou presque tout mauvais dans le passé, tout ou presque tout bon dans l’œuvre conventionnelle.

La pensée de l’Institut fut conçue par la convention, il est vrai, quoiqu’elle ne dût être réalisée que par le directoire en 1796. On sait que ce fut Daunou qui inaugura ce nouveau corps dans une mémorable séance le 3 avril. Lacépède, Fourcroy, Cuvier, Cabanis, Andrieux, Collin-d’Harleville, Lebrun, Fontanes, y prirent tour à tour la parole comme représentans des sciences et des lettres. L’idée générale de cet établissement avait sa vérité comme sa grandeur ; elle maintenait, avec la division des facultés de l’esprit humain, son unité trop souvent méconnue ; elle rétablissait les relations trop négligées de ces facultés entre elles. C’était une réparation réelle à l’injurieux décret qui avait frappé les académies ; mais, de grâce, qu’on ne nous présente pas sans cesse la condition faite aux écrivains et aux savans pendant le règne de la convention comme si ce temps eût été pour eux, relativement à l’ancien régime, un véritable paradis ! André Chénier, Lavoisier, Condorcet, Bailly, quels noms et quelles destinées ! Quelles institutions répareraient ces pertes que rien ne compense, ces immolations que rien n’excuse ? En s’abandonnant à des abstractions impitoyables, on semble trop croire qu’un homme de moins n’ôtera rien à la chaîne des œuvres dont s’honore l’humanité, que ce qu’un individu n’a pas accompli faute de temps, un autre plus favorisé le fera, comme si, Milton et Corneille disparaissant, un autre par hasard se fût chargé d’écrire le Paradis perdu ou Polyeucte ! On ne sait pas assez, — et quand le saura-t-on, si on ne l’a pas appris après tant d’expériences sanglantes ? — qu’il y a deux choses dont rien ne répare la perte, la vertu que la mort frappe en emportant les œuvres qu’elle eût produites, le génie éteint dans son germe, qui ne doit plus fructifier. Cette pensée n’est que trop faite pour modérer l’enthousiasme, quand on parle de ce que la convention a fait pour les lettrés et les savans.

Aux musées, au Conservatoire de musique, aux encouragemens donnés aux arts, il faut joindre les théâtres. Alors même qu’ils ne dépendent pas de l’état par les subventions, les théâtres s’y rattachent par d’autres faveurs, ils s’y rattachent d’une façon inévitable par la surveillance que l’autorité publique y exerce, surveillance plus attentive et plus vigilante que dans toutes les autres branches des arts. Le théâtre en effet, comment l’oublier ? est à la fois action et parole, représentation vivante pour les yeux et tribune tout ensemble. Il s’adresse aux hommes assemblés, c’est-à-dire se communiquant leurs impressions avec une rapidité, une vivacité contagieuses. La puissance exercée par le théâtre sur la multitude