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et M. Deloye a d’heureux dons qu’il devrait développer par un travail plus opiniâtre.

M. Legrain est un des meilleurs élèves de M. Carpeaux. Les douze signes du zodiaque, exécutés sous la direction du maître pour le groupe des quatre parties du monde, sont un travail fin et pittoresque, dont malheureusement les détails passeront inaperçus dans l’ensemble du monument. Les douze constellations sont représentées en bas-relief autour d’un cercle de la sphère. La facture en est extrêmement sculpturale et spirituelle jusque dans les moindres détails. Les signes les moins intéressons par eux-mêmes sont peut-être ceux où l’auteur a dépensé le plus d’intelligence et de goût. Il faut signaler particulièrement le scorpion et le cancer, étudiés avec beaucoup d’art, les poissons, exécutés dans le style des fines arabesques de la renaissance, le bélier, le taureau, le verseau, le sagittaire, et surtout la vierge, couchée dans la posture consacrée et enveloppant sa tête de son bras par un geste d’une grâce et d’une grandeur admirables ; cette dernière figure serait presque un chef-d’œuvre, si l’autre bras étendu n’avait une longueur démesurée, dont on ne peut s’expliquer la disproportion choquante que par un scrupuleux désir d’imiter aussi fidèlement que possible la forme même de la constellation. — Mais l’œuvre dont nous voulons surtout féliciter le jeune artiste est le buste en bronze de M. H. Servin, un tout jeune homme imberbe, aux traits fins et au nez busqué. On pourrait attribuer ce charmant portrait à M. Carpeaux lui-même, et le maître n’aurait pas à désavouer l’œuvre de l’élève. Cependant le talent de M. Legrain a quelque chose de plus calme et de plus reposé. Il a de son maître la largeur des plans, la dextérité du modelé, l’entente admirable des masses, même dans les parties les plus rebelles à la précision sculpturale : les cheveux courts et bouclés, le dessin du front et des joues en sont la preuve. Il a de moins que lui l’animation, la verve brillante, la surabondance de la vie ; mais il a peut-être en revanche plus de finesse et de pureté.

Signalons encore un bon buste de M. Beylard, qui représente une femme d’un certain âge, au nez long, au visage maigre, à la bouche grande, aux lèvres fines et serrées ; un portrait de vieillard de M. Lemaire, aux traite creusés et pleins de vérité expressive ; un buste de bronze assez net, assez ferme et assez large de M. Cadé ; une fine terre-cuite de M. Richard, et deux portraits de M. Adam Salomon, auxquels on ne saurait contester, malgré quelque platitude, une grande sincérité de ressemblance. En fait de portraits, le chef-d’œuvre de l’année ne figure pas au Salon ; il est exposé loin des regards profanes, dans l’enceinte moins fréquentée de l’École des Beaux-Arts, où viennent l’admirer ceux-là seuls qui ont le goût des belles œuvres et qui tiennent à s’en inspirer.