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morceaux de Puget ; les bras semblent un peu mous malgré un pompeux étalage de muscles et de veines gonflées. L’ensemble fait penser à quelqu’un. des damnés du Jugement dernier de la chapelle Sixtine, mais non pas à l’un des meilleurs. Quant au jeune Spartacus, l’unité manque un peu dans son attitude, et pour certains morceaux l’effort trop violent a dépassé le but. Ou bien ses jambes ne devraient pas se raidir au point de faire rentrer les pieds en dedans, ou bien le bras tendu qui tient le poignard devrait avoir un mouvement plus ferme et plus irrité. Ce groupe a encore un autre défaut, c’est qu’il ne peut guère être vu que de face. Vu de dos, il manque d’intérêt ; on ne voit qu’une masse confuse d’où s’échappent des bras qui retombent en girandoles comme les branches d’un saule pleureur ; de profil, les lignes sont désagréablement coupées par l’angle sortant que forment les genoux du crucifié. Sans doute l’harmonie des lignes était difficile à obtenir dans une composition de ce caractère ; mais il semble que M. Barrias, tout entier au plaisir de rendre l’aspect dramatique de son sujet et de faire, si j’ose ainsi parler, déclamer son marbre, ait négligé cette partie très importante de son art, ou qu’il se soit même complu dans des défauts qu’il aura considérés comme des hardiesses heureuses.

Le même auteur expose un groupe de bronze, la Fortune et l’Amour, qui dans un genre plus modeste et dans de petites dimensions vaut pour le moins autant que le Spartacus. La Fortune, lancée sur sa roue avec une vitesse et une légèreté surprenantes, est poursuivie par un petit Amour qui se penche, en volant, sur son épaule et lui pose une main sur la tête. Les deux figures ont un élan inexprimable ; l’exiguïté des proportions n’a point permis à M. Barrias de se livrer dans le détail à ses exagérations habituelles. Toutefois le mouvement de la figure principale est un peu forcé. Tout en fendant l’espace, elle se livre à des contorsions excessives qui divisent son corps en trois plans principaux, fléchis dans des directions par trop opposées : la jambe rejetée en arrière est trop violemment écartée de l’autre ; le torse, rejeté en sens inverse, perdrait l’équilibre, si la tête, brusquement redressée, ne reprenait la direction primitive. Il y a de ces témérités heureuses dans certaines sculptures de la renaissance, et c’est surtout par l’audace que Si. Barrias aime à leur ressembler.

C’est à la suite de M. Barrias qu’il faut classer un certain nombre d’œuvres intéressantes, estimables même à certains points de vue, mais n’atteignant point à la vraie beauté, et plus remarquables par la forte volonté qui s’y déploie que par le goût, l’harmonie et le bon sens. Citons d’abord le Mucius. Scœvola de M. Captier, une véritable caricature, si l’on est disposé à rire, un travail sérieux au contraire, si l’on n’y cherche que de bonnes intentions servies par