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de nos services administratifs, parce que le même matériel sert tantôt au transport des malades, tantôt au transport des vivres, des approvisionnemens de l’armée, de telle sorte qu’il fait défaut au moment où nos blessés en ont le plus grand besoin. Il est urgent d’introduire dans notre armée les progrès réalisés depuis longtemps dans les armées étrangères, et nous montrerons plus loin qu’à l’exemple de ce qui existe en Autriche et en Prusse un train des équipages de santé doit figurer dans la nouvelle organisation.

Il est un dernier argument que nous devons signaler. En temps de guerre, dit-on, l’intendant-général est auprès du général en chef le représentant direct de tous les services administratifs ; seul il est dans la confidence des projets du commandement, et il transmet aux médecins, comme à ses autres subordonnés, les ordres nécessaires à la réussite des opérations projetées. Donner l’autonomie à la chirurgie militaire, c’est donner au chirurgien en chef de l’armée l’entrée des conseils de guerre ; mais quel danger y a-t-il à ce que le chirurgien en chef soit dans les secrets de ce conseil, à ce qu’un Larrey, un Michel Lévy, en fassent partie ?

La meilleure manière de prouver que l’autonomie peut et doit être donnée au corps de santé militaire, c’est-de montrer qu’elle existe pour les armées des grandes puissances de l’Europe. On doit cependant faire une exception pour l’Italie. La chirurgie militaire n’y est guère mieux organisée qu’en France ; mais en ce moment même un nouveau projet est à l’étude, et l’on peut être assuré que l’Italie saura profiter des enseignemens fournis par l’expérience des autres nations.

En Autriche, un médecin-général en chef, conseiller aulique et ayant le grade de général-major, est chargé de la direction générale du corps. Il est assisté par un conseil composé de professeurs de l’école spéciale de médecine militaire, lesquels règlent avec lui toutes les affaires relatives au service. En Russie, le ministère de la guerre comprend une division spéciale qui a pour titre : département des affaires médicales, à la tête duquel est un médecin-général en chef de l’armée. De lui relèvent tous les médecins militaires ; c’est lui qui les nomme à des grades supérieurs, en consultant toutefois leurs chefs médicaux immédiats. Ce n’est que dans le corps de la garde que les chefs militaires, intervenant dans les propositions, exercent une influence indirecte, mais réelle, sur la nomination des officiers de santé à des grades supérieurs.

En Prusse, le corps médical jouit aussi de son autonomie. L’ordonnance royale du 20 février 1868 s’exprime ainsi : « L’ensemble des médecins militaires de l’armée et de la flotte en service actif ou en position de congé, ayant rang d’officiers ou de sous-officiers, forme le corps de santé. A la tête du corps de santé est le