Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut bien que nos archéologues, nos épigraphistes, nos érudits, nos sérieux artistes, voient se produire au grand jour les fruits de leurs travaux. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont substitué à ce qui les précédait un esprit plus attentif et plus critique, une science plus scrupuleuse ; à la suite de leurs dissertations, de leurs mémoires, de leurs études patientes, vient un homme de zèle intelligent et de goût, qui les interroge tour à tour, inscrit leurs réponses, y donne, après se les être assimilées, un tour plus général, joint à cela sa propre expérience, et introduit dans le domaine public, sous les plus attrayans dehors, ce qui semblait n’appartenir qu’aux privilégiés de la science et de l’étude assidue,


A. GEFFROY.



LES COLONIES BELGES EN HONGRIE
Essai historique sur les Colonies belges qui s’établirent en Hongrie et en Transylvanie aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, par M. Em. de Borchgrave.


Dans l’immense mélange de la société slave, il est un petit point qu’il ne semble pas qu’on ait jamais aperçu, et que M. de Borchgrave a mis récemment en lumière, c’est la présence, aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, de colonies belges en Hongrie et en Transylvanie, Les Belges, si sédentaires aujourd’hui, ont été au moyen âge un des peuples les plus aventureux. La marine était alors dans l’enfance, la voie de mer n’était encore ouverte à aucun peuple, et ne devait jamais beaucoup l’être aux Belges, qui n’avaient de ce côté pour débouchés qu’Anvers et Ostende ; tout le commerce se faisait par terre, et les Belges n’hésitaient pas à promener dans l’Europe entière les produits d’une industrie sans rivale. La douceur du caractère, des habitudes rangées, leur attiraient beaucoup de cliens et aussi beaucoup de protecteurs. Les rois tenaient assez à garder au milieu de leurs sujets des modèles de soumission, d’ordre et de travail.

Ce fut une famine qui noua des relations plus étroites entre la Hongrie et la Belgique. Réduits par le fléau, si commun en ces temps de guerres perpétuelles, à quitter leur patrie, des Hongrois allèrent demander à d’autres pays le pain que leur refusaient des terres ravagées. L’évêque de Liège, Beginhard, les accueillit avec bonté ; ils se fixèrent près de lui en 1025, Ce bienfait ne devait pas être perdu, Liège eut à son tour à souffrir de la famine ; les Hongrois emmenèrent alors les Liégeois qui voulurent les suivre dans leur pays, devenu florissant sous le sage et habile gouvernement de saint Étienne (1046-1061), Cette colonie belge se fixa en Agrie, aux lieux où s’élève aujourd’hui Erlau. Cent ans plus tard, on reconnaissait à leur accent wallon des descendans de ces colons parmi les pèlerins innombrables venus à Aix-la-Chapelle pour adorer les reliques qui y étaient exposées. Quelques documens du temps désignent sous le nom de loca gallica la colonie belge d’Agrie, mais elle disparaît au XVIe siècle, décimée peut-être par les Turcs.